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Page:Revue des Deux Mondes - 1911 - tome 4.djvu/443

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plus durement atteints que les colons par les vicissitudes des récoltes ; et les années mauvaises les montreront excités, prêts à la révolte là où, quelques mois plus tôt, ils berçaient leur indifférence de la joie espérée d’une belle moisson.

La distinction capitale, en effet, entre le colon et l’indigène non instruit, est que ce dernier n’a pas la notion du prix du temps : aussi ni la même justice ni le même enseignement ne sont applicables aux uns et aux autres. Nous commençons, aujourd’hui, à comprendre ces indigènes ; eux-mêmes s’aperçoivent que la France est pour eux une tutrice bienveillante et nous trouvons, dans leurs rangs, des collaborateurs en nombre croissant, à proportion que nous définissons mieux les procédés administratifs qui leur conviennent. L’assistance médicale aux indigènes a été pourvue de ressources spéciales, par décrets des 11 novembre 1902 et 28 novembre 1903 ; des bureaux de bienfaisance pour indigènes ont été institués à partir de 1903 ; les Sociétés de prévoyance, sagement développées, ont joué un rôle des plus actifs pendant la disette de l’année 1909. Il n’est pas vrai que toutes ces innovations soient un simple décor administratif : les Kabyles, tout particulièrement, qui sont des paysans dans l’âme, ont souvent demandé qu’on envoyât des moniteurs agricoles pour leur apprendre à tailler l’olivier et le figuier ; quelques-uns d’entre eux ont formé, en 1909, une société tout indigène d’études économiques, le Progrès saharidjien. Contrairement à ce que l’on répète parfois en France, les colons sont les premiers à se féliciter de nouveautés de ce genre, qui élèvent le niveau social de l’indigène, et lui confèrent une valeur supérieure de consommateur et de producteur.

Ainsi les indigènes conquièrent une place qui cesse d’être subalterne, dans la société algérienne. Quelques personnes croient le moment venu de les faire entrer plus directement dans la cité française, en les soumettant à la conscription militaire : à notre avis, cette réforme serait largement prématurée. Le renforcement de notre armée métropolitaine, atteinte par la baisse de la natalité française, est assurément souhaitable, mais la conscription des indigènes, en Algérie, serait présentement une imprudence grave. L’élite seulement de nos sujets, — une petite minorité, — nous est sincèrement ralliée ; le temps n’accomplit son œuvre que lentement parmi les autres, d’autant plus que, par la constitution même de la famille musulmane, l’éducation