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Page:Revue des Deux Mondes - 1911 - tome 4.djvu/48

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n’avait pas apporté de profondes modifications dans le style de l’architecture qui reste dans son essence très attachée aux traditions chrétiennes du moyen âge. Il suffit de citer, pour s’en convaincre, la Chartreuse de Pavie, San Bernardine de Pérouse, la Madone des Miracles de Brescia et tant d’autres, qui sont toutes couvertes d’ornemens comme des églises gothiques. Le style de la Renaissance en Italie, le style gothique en France, chantent le même hymne d’allégresse, et c’est leur beauté qui les perd, c’est à cause d’elle qu’ils vont tous deux être combattus par le puritanisme de la Contre-Réforme.

Une seconde raison fit proscrire le luxe de l’art gothique : on y renonça, non seulement parce qu’on le considérait comme une inutilité, comme un danger, comme étant peu convenable à la gravité nouvelle, mais parce qu’il était trop coûteux. Dans leur désir de propagande, dans leurs efforts pour ramener et maintenir étroitement les peuples au sein du catholicisme, les papes veulent multiplier partout les églises, les couvens, les écoles, et pour cela, il leur faut avant tout rechercher une forme d’art n’exigeant pas de trop grandes dépenses. Saint Bernard, au XIIe siècle, avait été conduit par les mêmes raisons lorsqu’il combattit l’art de Cluny et opposa au luxe des riches abbayes clunisiennes un art plus simple, plus à la portée des modestes ressources des communautés religieuses.

D’autres raisons encore expliquent l’abandon du style gothique : il n’est pas douteux que, si le gothique avait pour lui le prestige de sa beauté et de son grand caractère d’expression religieuse, il avait l’inconvénient d’être peu pratique : ses voûtes étaient trop inutilement hautes, et surtout, il était trop encombré de piliers. Le nouveau style créé en Italie n’avait aucun de ces défauts et il était en particulier tout à fait remarquable par ses vastes espaces désencombrés.

Enfin, l’église gothique n’était pas suffisamment claire. Jamais, il est vrai, dans aucune architecture on n’avait encore autant multiplié et agrandi les fenêtres ; mais on avait agi ainsi, moins pour avoir plus de lumière que pour pouvoir garnir ces fenêtres de vitraux : la fenêtre avait perdu ses fonctions d’éclairage pour se transformer en tableau. Partant, l’église gothique est toujours un peu obscure ; mais cela importait peu, on ne s’en préoccupait pas ; au moyen âge, on n’a pas besoin de voir dans les églises : le peuple qui vient là se rassemble pour prier, pour