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l’expression fidèle d’un milieu social[1]. L’architecture de la Contre-Réforme, c’est l’art qui succède au Louvre de Pierre Lescot, aux Tuileries de Philibert Delorme, et aux églises de Saint-Eustache et de Saint-Étienne du Mont[2].


II. — L’ARCHITECTURE

I. Les Églises. — Nous sommes à un moment capital de l’histoire de l’architecture française, au moment où la France va brusquement renoncer à l’art qui régnait chez elle depuis de longs siècles, à cet art merveilleux qui est la gloire impérissable de son génie, pour adopter un style nouveau, un style entièrement formé à l’étranger, en dehors de toutes ses traditions nationales, et qui était bien loin d’égaler en beauté celui qu’elle allait proscrire.

Des causes nombreuses devaient faire abandonner le gothique : la première fut sa richesse, le luxe excessif de son décor. On combat ce luxe parce que désormais, dans la gravité de la nouvelle pensée chrétienne, on le trouve inutile et peu en rapport avec l’austérité que l’on veut faire régner dans la maison de Dieu.

Il est à remarquer que la Renaissance n’avait pas porté atteinte aux formes essentielles de l’art gothique. Les architectes français du XVIe siècle n’ignorent rien des nouveautés italiennes ; ils les accueillent, mais sans renoncer pour cela aux élémens primordiaux de leur architecture nationale. Ils se contentent d’emprunter au style italien son décor, et toute l’évolution de l’art en France, depuis le règne de Charles VIII jusqu’à celui de Louis XIII, consiste à remplacer le décor gothique par le décor Renaissance.

Au surplus, la Renaissance du XVe siècle, en Italie même,

  1. Pour une étude plus détaillée de cette époque je renvoie au beau livre de M. Henry Lemonnier sur l’Art français au temps de Richelieu et de Mazarin.
  2. L’intérieur de Saint-Étienne du Mont, commencé en 1517, est encore pleinement gothique. La façade, qui date de 1610-1636, appartient déjà au règne de Louis XIII. Elle peut être considérée comme la dernière œuvre d’architecture française antérieure au style de la Contre-Réforme, et, dans une certaine mesure, comme une œuvre de transition. Déjà influencée par l’esprit nouveau, cette façade était assez sobre de décoration. Malheureusement elle a été très profondément modifiée, en 1861, par Baltard, qui en a dénaturé !e caractère, en la restaurant comme s’il eût restauré une œuvre de la Renaissance du XVIe siècle.