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Page:Revue des Deux Mondes - 1911 - tome 4.djvu/545

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entre ses berges encaissées, un caïd venait prévenir le commandant de la colonne d’une attaque préparée par les Béni Hassen pour la nuit, ou la matinée du lendemain. Il était obligé, disait-il, d’y participer pour éviter des représailles, mais il voulait dégager sa responsabilité en affirmant sa sympathie pour les Français. Un tel avis était trop précis pour être dédaigné. Les champs d’orge et de blé qui entouraient le bivouac rendaient facile une de ces attaques de nuit que les tribus tentent volontiers ; mais, soit par lassitude, défaut d’entente ou retard au rendez-vous, le camp ne fut pas inquiété.

Le l’enseignement était cependant exact. Au point du jour ; le lendemain 22 mai, tandis que les premiers élémens de la colonne commençaient à défiler sur la route de Sidi Gueddar, le colonel reçut une confirmation nouvelle de l’avis de la veille. Aux abords des douars lointains qui faisaient des taches brunes dans les champs, on pouvait remarquer, à la lorgnette, une animation insolite. Puis, de tous côtés, des points blancs se meuvent dans les moissons, se réunissent en petits groupes, se rapprochent lentement, deviennent des cavaliers nombreux, qui semblent sortir de terre et manœuvrer de façon à faire un cercle immense autour du convoi dont les divers élémens, disséminés sur une longueur de cinq kilomètres environ, sont également vulnérables et paraissent également menacés. Soudain, quelques coups de fusil éclatent à l’arrière-garde ; sur les flancs, des tourbillons de poussière signalent une offensive rapide des cavaliers Béni Hassen, mais nos canons de 75, promptement mis en batterie, crachent quelques obus bien ajustés qui produisent chez les assaillans une véritable panique. Les unités d’infanterie, affectées à la protection latérale de la colonne, n’ont plus qu’à refouler lentement les ennemis qui se replient suivant la direction générale de marche, vers une ondulation de terrain perpendiculaire à la route, où s’agitent des silhouettes lointaines, où se livre un combat furieux.

À l’avant-garde, en effet, les spahis éclaireurs de la colonne venaient de se replier en toute hâte, après avoir éventé une embuscade tendue par trois cents Marocains environ, en arrière de cette crête d’un faible relief d’où ils dominaient la route et pouvaient apercevoir tous les élémens du convoi qui allait s’offrir à leurs coups. Un de nos cavaliers avait été tué à bout portant, et ses camarades n’avaient eu que le temps d’accourir