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Page:Revue des Deux Mondes - 1911 - tome 4.djvu/546

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au galop pour signaler le danger imminent. Le plan des ennemis se dévoilait alors dans toute sa simplicité. Avec une habileté manœuvrière qui prouvait une longue pratique de ce genre d’opérations, ils avaient tout d’abord harcelé la colonne sur l’arrière et les flancs pour tromper son chef sur leurs véritables intentions et l’obliger à faire presser la marche en groupant tout son monde à l’avant. Ils escomptaient la confusion et le désordre que cette opération produit toujours sur leurs victimes habituelles, et ils espéraient profiter des avantages d’une embuscade inattendue, d’une fusillade nourrie, d’une charge furieuse de leurs cavaliers, pour vaincre les dernières résistances et capturer au moins une partie importante des chameaux.

Ce projet fut heureusement déjoué. Tandis que le colonel, accoutumé par ses campagnes antérieures à la tactique des Touareg et des Maures pillards, réglait la marche de son convoi, sans se laisser émouvoir par les démonstrations fallacieuses des guerriers que l’artillerie tenait à distance, la compagnie d’avant-garde, livrée à ses seules forces et qui ne pouvait espérer un renfort immédiat, déployait trois de ses sections à cheval sur la route et progressait par échelons en ripostant de son mieux au feu enragé de l’ennemi. Des hommes tombent ; les camarades vident leurs cartouchières, et, sans émotion apparente, continuent à tirer. Les Marocains, surpris par cette offensive, tentent de s’y opposer. Avec de grands cris, qui semblent invoquer la protection de Mahomet, leurs cavaliers s’élancent au galop, portant en croupe des. fantassins qu’ils déposent dans un épais fourré de chardons d’où ils pourront à leur aise fusiller nos tireurs. Mais une section de mitrailleuses accourt au pas pesant de ses mulets. Par une chance extraordinaire, aucun des animaux, dont l’ensemble forme une cible superbe, n’est touché. Les mitrailleuses s’établissent à la gauche de la ligne, et les « fusils du diable, » comme devaient bientôt les nommer les Marocains, font entendre leurs détonations stridentes et saccadées. Une section de marsouins leur sert de soutien contre un assaut probable de l’ennemi ; par endroits, quarante mètres à peine séparent maintenant les combattans. Les chefs de section ne peuvent résister à la tentation ; les revolvers sortent de leurs étuis et un lieutenant, calme comme au stand, abat un gros Marocain barbu qui le visait avec son mauser en montrant son buste à travers les chardons. Enfin, les Béni Hassen sont