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Page:Revue des Deux Mondes - 1911 - tome 4.djvu/566

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des moyens nécessaires pour mettre leurs armées sur un pied formidable et d’un plan d’opérations détaillé, pour être exécuté aussitôt que le temps d’agir viendrait à échoir… » Le 9 août, l’ordre de mobilisation est donné. Les troupes stationnées en Silésie commencent des mouvemens de concentration, multiplient les revues, les parades, les défilés par les rues de la capitale. Berlin prend l’aspect d’une ville de guerre. Les garnisons de Berlin et de Potsdam se tiennent prêtes à marcher, et puis nouvelles hésitations, nouvelles temporisations. Enfin, le Roi se détermine, et les 12 et 13 septembre, sans déclaration de guerre, les têtes de colonnes débordent des frontières prussiennes.

L’état-major prussien se flattait de surprendre les différens corps de l’armée française dans leurs cantonnemens espacés. Ce plan de campagne était aventureux, téméraire même, mais, dans les circonstances, il n’était pas aussi extravagant qu’on l’a prétendu. Sans doute la Prusse, qui comptait sur l’appui de la Russie, aurait dû temporiser trois mois encore avant de prendre les armes, afin de donner aux masses russes le temps d’arriver sur l’Oder. Mais puisque, poussée par un vent de folie, elle courait à la guerre immédiate, une offensive audacieuse et prompte était le meilleur moyen de compenser l’infériorité de ses forces, d’entraîner des alliés hésitans, et peut-être de violenter la victoire. Le plan défensif, conseillé par Dumouriez, et qui consistait à attendre les Français derrière l’Elbe, et à se replier ensuite, en cas de défaite, derrière l’Oder, ne pouvait donner aucun bon résultat. Les Prussiens ne pouvaient défendre l’Elbe en forces sur tous les points de son cours, et ce fleuve n’est pas infranchissable. À la vérité, la campagne eût duré davantage, offert plus de moyens de défense et plus de points de ralliement et n’eût pas exposé l’armée prussienne à une entière destruction. Les Prussiens n’auraient pu tenir assez longtemps les lignes de l’Elbe, puis de l’Oder, pour attendre la venue des Russes ; leur jonction avec l’armée du Tsar n’aurait pu s’opérer que vers la Vistule ; Napoléon, vainqueur dans une ou plusieurs batailles, serait entré à Berlin au mois de novembre au lieu d’y entrer au mois d’octobre. S’il crut un instant que les généraux prussiens l’attendraient couverts par l’Elbe, c’est que c’était la stratégie la plus élémentaire et qu’il la jugeait à leur portée. Opinion imméritée. Les Prussiens repoussèrent tout plan défensif, si