Page:Revue des Deux Mondes - 1911 - tome 4.djvu/573

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

du combat du lendemain remplissait de joie toute son âme. » Il voyait dans son rêve Condé à la veille de Rocroi.

La petite vallée de Saalfeld s’étend entre la Saale à l’Est et les dernières pentes du Frankenwald à l’Ouest de la petite ville située sur les deux rives de la rivière, presque à l’extrémité Sud de cette vallée. Jusqu’à la Schwarza qui la circonscrit au Nord, il y a une étendue de six kilomètres de long sur une largeur, de 2 500 mètres en moyenne. Le prince Louis ne connaissait pas ce terrain, mauvaise position à défendre, sans profondeur, face à des pentes boisées et adossée à une rivière. Si impatient qu’il fût de combattre, il se leva tard le 10 septembre, et quand il arriva à Saalfeld, vers 9 h. 45, déjà ses bataillons et escadrons, venus de Rudolstadt, s’étaient déployés sur trois lignes, à la droite de Saalfeld, et déjà aussi l’avant-garde de Suchet (corps de Lannes) débouchant de la route de Cobourg à travers les derniers escarpemens du Frankenwald s’engageait contre les avant-postes prussiens au Sud de Saalfeld. Le Prince, présumant que l’effort des Français se porterait sur Saalfeld, trouva bonne la position prise par ses troupes : il comptait les porter de là sur le flanc gauche des assaillans quand, ayant débouché en plaine, ils s’avanceraient en masse et en bel ordre contre Saalfeld.

Mais le Prince s’abusait beaucoup en croyant, selon les expressions du général Bonnal, que « Saalfeld était l’objectif naturel des Français, l’appât qui devait les attirer infailliblement. » « L’objectif des généraux français de ce temps-là, dit encore le général Bonnal, était tout simplement le gros des forces ennemies, où qu’il fût, et quelle que fût sa disposition, avec la ferme intention de le détruire en y mettant le temps, s’il le fallait, et en manœuvrant suivant les lieux et les circonstances. » Lannes marchait avec la tête de la division Suchet. Au premier coup d’œil, en découvrant la petite vallée, Saalfeld, et le corps du prince Louis adossé au cours d’eau, il conçut le dessein non point d’attaquer sérieusement Saalfeld, mais de manœuvrer contre la droite ennemie de façon à couper aux Prussiens leur seule ligne de retraite et à les prendre tous entre ses baïonnettes et la rivière. D’après ses ordres, un seul bataillon, avec deux pièces d’artillerie légère, marcha par la route de Cobourg sur Saalfeld, tandis que la cavalerie de Treillard s’avançait à travers bois, par d’autres sentiers, à environ 1 500 mètres à la