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Page:Revue des Deux Mondes - 1911 - tome 4.djvu/572

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attendre dans sa position l’avant-garde de l’armée principale et se porter ensuite sur Possneck. Mais informé de la présence de nombreuses colonnes françaises sur les deux rives de la Saale, il prit sur lui de défendre Saalfeld, s’il y avait lieu, tout en couvrant Rudolstadt. Dès le soir du 8, il dirigea sur Saalfeld, comme renfort au détachement qui l’occupait déjà, un bataillon et deux escadrons, et il se tint prêt à s’y porter le lendemain de bon matin avec la majeure partie de ses forces.

On a attribué plusieurs motifs à cette hasardeuse résolution. On a dit que le prince Louis ayant l’ordre de se porter sur Possneck après avoir été relevé à Rudolstadt par l’avant-garde de l’armée principale, et craignant que les Français en venant occuper Saalfeld ne lui coupassent le seul chemin carrossable pour se rendre de Rudolstadt à Possneck, avait voulu s’assurer la possession de ce débouché. Cette raison paraît mauvaise, puisqu’il y avait une route, plus longue, il est vrai, de Rudolstadt à Possneck par Kahla où l’on passait la Saale et Neustadt. On a dit aussi qu’il y avait à Saalfeld des magasins dont le Prince désirait assurer la conservation. Mais si l’on connaît bien le caractère du prince Louis, il y a un autre motif. Brûlant de haine contre les Français et un des plus ardens promoteurs de la guerre, il était plein d’espoir, ardait de combattre et était fort irrité contre les temporisations et les hésitations de l’état-major général. Jugeant que l’armée française marchait vers Leipzig et que les mouvemens offensifs vers la Saale n’étaient que des démonstrations destinées à masquer sa marche, il conçut le projet d’ouvrir lui-même la campagne par un coup d’éclat. Il avait le dessein, non seulement d’arrêter à Saalfeld le parti français qui y marchait, mais encore de le repousser, de passer la Saale et de tomber sur les colonnes éparses de Napoléon. Il voulait faire, le premier, tonner le canon vengeur et ouvrir la campagne par une victoire. Il écrivait à Hohenlohe, le 9 au soir : « Puissions-nous, fidèles à l’ancien système prussien que nous avons toujours suivi, passer à une offensive vigoureuse, conforme à l’esprit du temps, de l’armée, de ses chefs ; et commandée par les circonstances ! Les forces de l’ennemi s’accroîtront sans cesse, et tout délai de notre part ne fait que paralyser nos moyens. » « Des fenêtres du château de Rudolstadt, on apercevait les feux des Français au bivouac, dit Hopfner. Le Prince était très gai. La perspective