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répondre : le Régent ne recevra Lannes que si celui-ci « a ordre de son gouvernement de proposer quelque nouvelle affaire. » Et Lannes de répliquer, naturellement, le jour même qu’il a, en effet, une communication de la plus haute importance à faire à Son Altesse Royale. Aura-t-il enfin son audience ? Oui, pour le 10 prairial. Ce jour-là, il se rend donc à Queluz, à l’heure indiquée. Sur le perron ne voilà-t-il pas qu’il croise Coigny sortant du palais ! On le fait attendre fort longtemps, la porte s’ouvre, enfin il va être introduit… non, elle ne laisse passer que le ministre de l’Intérieur, Pinto de Balsemaö ; il annonce à Lannes que le Régent ne peut le recevoir. Et dire que Coigny a été sans doute plus heureux !…

Qu’est-il donc arrivé ? C’est que le gouvernement portugais vient d’apprendre la rupture des négociations avec l’Angleterre, et le départ de lord Whitworth. Aussi l’amirauté a-t-elle reçu l’ordre d’armer tous les bâtimens de guerre. L’anxiété dans le public est extrême…. Le bruit court que Nelson arrive avec son escadre ; le papier d’État tombe en trois jours de 6 à 10 p. 100 de perte.


VII

Tendue au point de se rompre, la situation, entre Lannes et le gouvernement portugais, allait sans doute aboutir à un nouvel éclat, lorsque le général reçut de Paris des instructions dont le ton de modération glacée l’arrêta tout frémissant, comme le cheval généreux que ploie sur ses jarrets la main impitoyable de son cavalier. Une dépêche de Talleyrand du 29 floréal lui rappelait que la politique française consistait à « rapprocher plus étroitement de la France tous les gouvernemens étrangers, ceux-là surtout qui, par leur position et par une longue habitude paraissent plus dévoués à l’Angleterre et plus disposés à ne pas se séparer dans le cas où elle renouvellerait les hostilités.

« M. Pina Manique n’a plus l’administration générale des douanes. Quelques couleurs que l’on ait pu donner à son changement. il est difficile que le public n’y reconnaisse pas l’envie de déférer aux invitations faites au gouvernement portugais par celui de la République. Le fait devient par lui-même une véritable satisfaction. Il suffit même, pour que cette satisfaction soit