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anglaise » n’hésite pas à viser plus haut ; c’est au Régent même qu’elle essaie de s’attaquer. Nous allons voir comment cette tentative de coup d’État militaire, avorté piteusement aboutit à la ruine de ceux qui l’ont préparé.


VIII

L’armée portugaise, dont les auteurs de la tentative en question auraient voulu faire l’instrument de leur pronunciamiento, comprenait en 1797 environ 20 000 hommes d’infanterie, 4 000 de cavalerie, plus 25 000 hommes de milice. Chefs nuls, officiers mal instruits et ignorans, si peu considérés qu’avant les réformes du comte de la Lippe, on les voyait servir comme domestiques à la table des grands, — soldats disciplinés et sobres, mais mal payés, mal nourris de pain, de sardines et de mauvais vin, recrutés de force pour la vie entière et souvent si misérables qu’ils demandent l’aumône dans la rue, même quand ils sont de faction.

À Lisbonne, il y avait, comme garnison, les régimens d’infanterie de la Lippe et de Freire, ainsi que le régiment de cavalerie de Kay, chargés de faire le service d’honneur et d’escorte de la famille royale, qui ne possédait, en fait de garde particulière, qu’une centaine de hallebardiers portant habit bleu et écarlate, galonné d’or.

Lannes assure que l’événement avait été préparé de longue main et ne tendait à rien moins qu’à mettre le Régent en tutelle, ou même à lui ravir le trône. Depuis longtemps, un certain nombre de membres de ces grandes familles si durement traitées quarante ans auparavant par le ministre réformateur Pombal, et si opposées à tout ce qui représentait l’esprit du XVIIIe siècle, à la France par conséquent, se réunissaient sous prétexte de former une société anti-maçonnique. Le duc de Sussex s’était mis à leur tête, non, sans doute, par aversion pour la maçonnerie, fort à la mode alors en Angleterre, mais par haine contre la France. Lannes l’accuse d’avoir eu pour but de se faire donner le commandement de l’armée portugaise, qu’il sollicitait en vain de la Cour, de forcer la main au Régent, et de faire ainsi du Portugal un « . simple gouvernement anglais » tout comme Beresford réussit à le faire après l’évacuation française.

Le marquis d’Alorna, chef de la légion du Prince Régent,