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ou à Bornéo, et ils tentaient de justifier cette opinion à l’aide de raisonnemens plus ou moins fantaisistes. Le langage commercial, on le sait, a gardé la trace de ce préjugé : dans chaque genre, l’espèce qui a la plus grande valeur est appelé orientale, celle qui en a le moins, occidentale. Aussi, lorsque, en 1727, le bruit se répandit que, les mines de l’Inde commençant à s’épuiser, le Brésil s’apprêtait à combler le vide produit, les négocians qui avaient des intérêts en Orient, menacés par l’abaissement des prix, accueillirent très mal cette découverte, nièrent même l’existence de ces diamans, prétendant que les Brésiliens avaient engagé un trafic avec les Indiens de Goa, et que les soi-disant diamans du Brésil n’étaient que l’objet du commerce portugais. Puis lorsque les travaux d’extraction furent en pleine activité, que le nombre des diamans recueillis devint considérable (en un temps relativement court, la seule mine de Minas-Geraes avait fourni près de 144 000 carats) et qu’il fallut se rendre à l’évidence, ils portèrent la querelle sur les qualités et les défauts des pierres fines ainsi importées, prétendant qu’elles n’étaient point de belle eau, qu’elles renfermaient beaucoup d’impuretés, etc. Seule, la découverte de l’Étoile du Sud (125 carats après la taille, 254 avant) devait leur imposer silence.

De même pour l’Afrique du Sud. Tout d’abord, quelques géologues, imbus de cet étroit rationalisme que nous signalions tout à l’heure, prétendirent que, par suite des conditions géologiques du pays, le diamant ne devait pas, ne pouvait pas se rencontrer au Cap, et que les quelques pierres ramassées avaient dû être apportées de l’intérieur du continent par des autruches, explication qui eût sans doute satisfait Voltaire, mais fait sourire Buffon. Puis lorsque les diamans trouvés devinrent de plus en plus nombreux et qu’il fut impossible de nier plus longtemps les faits, on se mit alors à critiquer hautement leurs teintes nuancées on les déclara de vilaine eau et l’on en vint à ce point de considérer comme originaires du Cap les diamans inférieurs que fournit aussi le Brésil.

En réalité, si l’Afrique australe, comme, de tout temps, l’Inde et le Brésil, produit des diamans présentant la gamme de presque toutes les couleurs de l’arc-en-ciel ; si elle produit du bort, diamant concrétionné, de couleur grise, très dur, tout comme le Brésil nous fournit du carbonado, diamant presque noir, le plus dur de tous, elle produit aussi les plus belles