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microscopiques. Ebelmen, le premier, vers 1848, a obtenu du saphir blanc (corindon incolore) et d’infimes cristaux de rubis (corindon cramoisi). Hautefeuille, un peu plus tard, obtint de tout petits cristaux d’émeraude, de 3 millimètres de long sur 2 d’épaisseur, possédant rigoureusement toutes les propriétés de la gemme naturelle, mais inutilisables, évidemment. Les petits cristaux de rubis qu’ont préparés plus tard MM. Frémy et Verneuil à l’aide de la méthode d’évaporation suivie par les chimistes précédens, cristaux parfaitement identiques aux cristaux naturels, dont les plus gros pesaient à peine un tiers de carat et dont on peut admirer les groupemens étincelans dans les vitrines du Muséum, sont, eux aussi, inutilisables. Mais si, depuis, aucun résultat industriel n’a été obtenu, au moins, en ce qui concerne l’émeraude, il n’en a pas été de même pour le rubis, du jour où M. Verneuil eut définitivement adopté la méthode dite de fusion, d’après laquelle l’alumine, préalablement calcinée et mélangée à quelques centièmes de sesquioxyde de chrome, est tout simplement fondue, puis, abandonnée à la température ordinaire, se solidifie et cristallise, absolument comme l’eau que l’on change en glace par un refroidissement convenable. Seulement, de même que la glace peut être « opacifiée » par les nombreuses bulles de gaz, primitivement dissous dans l’eau, qu’elle garde emprisonnées après sa formation, ou encore par l’enchevêtrement des cristaux qui la constituent, le corindon coloré ainsi fabriqué pourra perdre sa transparence, se présenter sous la forme d’une substance opaque et, par suite, sans valeur réelle, s’il a été solidifié après un affinage trop imparfait des matières premières employées ou si sa prise trop rapide en masse a gêné l’orientation régulière des petits cristaux élémentaires, constitutifs du cristal obtenu.

Il y avait là un difficile problème que M. Verneuil a résolu de la plus ingénieuse façon. L’a-t-il résolu le premier ? Il n’y a pas lieu de le croire, car les rubis dits de Genève, qui furent pendant plusieurs années présentés frauduleusement dans le commerce comme des rubis naturels, étaient vraisemblablement obtenus de la même manière. Mais l’auteur de cette découverte, ainsi que sa méthode, étant restés inconnus, c’est au distingué professeur de notre Conservatoire des Arts et Métiers que revient, sans conteste, l’honneur d’avoir créé la nouvelle industrie du rubis de synthèse (rubis scientifique) par l’invention de l’appareil,