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Page:Revue des Deux Mondes - 1911 - tome 4.djvu/717

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qui leur avait été faite de la réintégration des cheminots, et qu’ils emploieraient tous les moyens pour en assurer la réalisation. — Vous voulez donc brimer la Chambre ? a demandé un interrupteur. — Oui, oui, a crié l’extrême gauche : est-ce que vous n’avez pas brimé le peuple ? Est-ce que vous ne lui avez pas menti ? Qu’y a-t-il de plus criminel ? — On se rappelle à quoi cette accusation se rattache. À la veille des vacances de Pâques, un grand débat a eu lieu sur les cheminots qui, ayant abandonné leur poste au moment de la grève des chemins de fer, ont été aussitôt remplacés par les Compagnies. Remplacés, disons-nous, et non pas révoqués ; on abuse vraiment de ce dernier terme ; les Compagnies sont bien obligées de remplacer sans délai ceux de leurs agens qui désertent un service public dont le caractère spécial est de ne pouvoir pas être interrompu un seul jour, une seule heure. Mais la question est connue de nos lecteurs, et nous n’y reviendrons pas. M. Monis et M. Dumont, — ce dernier était alors ministre des Travaux publics, — ont adressé du haut de la tribune des sommations impérieuses aux Compagnies de chemins de fer d’avoir à reprendre leurs cheminots comme l’État avait repris les siens, faute de quoi, ils demanderaient au parlement des « armes » pour réduire leur résistance. Les Compagnies ne se sont nullement émues des menaces qui leur étaient adressées ; elles avaient déjà opéré spontanément un certain nombre de réintégrations ; elles ont déclaré qu’elles ne pouvaient pas en opérer davantage et se sont contentées, par mesure d’humanité, de donner des retraites proportionnelles ou des secours à ceux de leurs anciens agens qu’elles estimaient ne pas pouvoir reprendre : à presque tous d’ailleurs elles se sont entremises pour procurer une situation nouvelle et elles y ont réussi. Il est triste de le dire : quand MM. Monis et Dumont ont annoncé qu’ils demanderaient des « armes » contre les Compagnies, la Chambre les a couverts d’applaudissemens et leur a voté, à une majorité énorme, un ordre du jour de confiance et d’approbation : il y a eu là un de ces entraînemens auxquels les assemblées sont sujettes, sauf à les regretter le lendemain, et qui sont un des vices du parlementarisme à outrance, sans réflexion suffisante et sans contrepoids. Aux yeux des socialistes unifiés, le vote que la Chambre a émis dans ce jour de folie constitue un engagement sacré auquel on ne saurait manquer sans forfaiture, ou, comme s’exprime M. Colly, sans infamie. Est-ce l’avis de M. Caillaux ? La composition même de son ministère a montré le contraire : il a pris soin de ne pas y conserver M. Dumont, et M. Camille Pelletan ne