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Page:Revue des Deux Mondes - 1911 - tome 4.djvu/716

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Monis, il n’a pas donné l’impression d’un gouvernement, mais bien de l’absence de tout gouvernement. Nous avons aujourd’hui un nouveau ministère dont nous avons dit que nous l’attendrions à l’œuvre. Il nous est effectivement difficile, étant donné son passé, d’avoir a priori confiance en M. Caillaux ; mais il est juste de reconnaître qu’il n’a pas mal débuté, qu’il a fait entendre des paroles opportunes, qu’il a fait mieux encore en mettant ses actes d’accord avec ses paroles, enfin que son entrée sur la scène politique comme président du Conseil n’a pas eu le caractère de banalité auquel plusieurs autres nous avaient habitués. Dans sa Déclaration, M. Caillaux avait annoncé l’intention de gouverner ; d’autres l’avaient fait avant lui, et il n’en était rien résulté, la faiblesse gouvernementale était restée la même : peut-être n’en sera-t-il pas de même avec M. Caillaux. Nous disons « peut-être, » parce qu’il ne faut pas trop s’avancer : nous avons eu déjà tant de déceptions ! Mais M. Caillaux est un homme intelligent et il n’est pas impossible que, éclairé par des symptômes divers, il ait senti dans le pays un désir, un besoin de plus en plus vifs d’avoir en effet un gouvernement qui gouverne. Quoi qu’il en soit, ses premiers actes l’ont amené à rompre nettement, résolument, et sans doute définitivement, avec les socialistes unifiés. Il fallait entendre de quel ton il a dit à M. Vaillant : « C’est votre opinion, par conséquent, ce n’est pas la mienne. » La cassure a été telle qu’elle ne paraît pas pouvoir se raccommoder. Les partisans du bloc peuvent en gémir. On a remarqué qu’à chaque ministère nouveau, M. Combes commençait par une bénédiction ; il n’a pas manqué d’esquisser ce geste sur le front de M. Caillaux, mais probablement il n’ira pas jusqu’à la confirmation.

C’est à propos de l’affaire, laissée en suspens, de la réintégration des cheminots que la bataille a eu lieu entre M. Jaurès et M. Caillaux. D’autres orateurs y ont pris part, notamment M. Colly, l’orateur le plus tonitruant de la Chambre, mais on pourrait dire que, cette fois du moins, son intervention aurait été négligeable si elle n’avait pas produit un de ces tumultes qui obligent le président, après avoir épuisé toutes les sévérités du règlement, à reculer devant le scandale et à interrompre la séance. L’éloquence parlementaire a singulièrement évolué entre Royer-Collard et M. Colly ! Avec ce dernier, elle ne diffère pas sensiblement du coup de poing. Laissons de côté cet orateur modern-style : aussi bien M. Jaurès a dit les mêmes choses que lui, autrement bien entendu, à savoir que les socialistes unifiés ne laisseraient pas protester la promesse