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Page:Revue des Deux Mondes - 1911 - tome 4.djvu/726

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qui, ayant été représentées à Algésiras, sont sorties de la Conférence avec des droits égaux, à l’exception de la France et de l’Espagne, à qui elles ont reconnu des droits spéciaux. Quelques-unes d’ailleurs, comme l’Angleterre, ne sauraient se désintéresser de la situation nouvelle qu’ont fait naître les prétentions allemandes. Après le discours de M. Asquith à la Chambre des Communes, celui que vient de prononcer M. Lloyd George à Mansion-House en est une preuve nouvelle. M. Lloyd George est un pacifiste ; il y a peu de temps encore, il multipliait les démarches auprès de l’Allemagne pour l’amener à prendre part à une diminution des arméniens, et ses suggestions étaient d’ailleurs mal reçues à Berlin. Depuis, l’expérience l’a éclairé. « Si nous nous trouvions acculés, a-t-il dit, à une situation dans laquelle la paix ne pourrait être maintenue qu’en sacrifiant la grande, la bienfaisante situation que la Grande-Bretagne s’est acquise par des siècles d’héroïsme et d’efforts, en permettant que la Grande-Bretagne soit traitée, — quand ses intérêts sont en jeu, — comme si elle ne comptait pas dans le concert des nations, alors, — je le dis avec force, — la paix, à ce prix, serait une humiliation impossible à tolérer pour une grande nation comme la nôtre. » Un tel langage se passe de commentaires. Quelques journaux officieux allemands affectent de croire qu’il ne s’adresse pas à leur pays et que M. Lloyd George, en bon rhétoricien, s’est donné seulement le plaisir de développer un bleu commun d’ordre général ; mais le plus grand nombre ne se trompent pas sur les intentions du ministre anglais. À nos yeux, la situation est grave, et elle ne peut cesser de l’être que par un retour aux conventions et aux traités. Tâchons donc d’en rajuster les morceaux et d’en faire revivre l’esprit. C’est le but que nous devons nous proposer, et ce serait, de la part de nos journaux, une souveraine imprudence, après toutes celles qu’ils ont commises, d’émettre des prétentions nouvelles, même sous le prétexte d’assurer au Sultan l’exercice de sa pleine souveraineté dans tout son empire, au moment où nous causons difficultueusement à Berlin et où nous sommes sans doute à la veille de le faire également à Madrid.


FRANCIS CHARMES.

Le Directeur-Gérant, FRANCIS CHARMES.