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Page:Revue des Deux Mondes - 1911 - tome 4.djvu/74

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école, les écoliers ne sont ni mieux doués, ni plus travailleurs, et ils sont certainement moins vigoureux. Une basse natalité est un mal sans compensation.

Quand on veut assurer l’avenir d’une espèce végétale ou animale, il faut, selon le conseil de Pasteur, sauver la graine. La nature n’a pas d’autre souci et, pour y parvenir, elle la multiplie à l’infini. Afin que quelques glands puissent germer dans l’humidité du sous-bois, le vieux chêne se couvre de fleurs tous les printemps, et, bien que la reine des abeilles ne doive avoir qu’un seul époux, la ruche lui prépare et lui offre des milliers de candidats. Un peuple qui veut vivre doit maintenir la qualité de sa graine, c’est-à-dire la santé et la vigueur des jeunes. Il ne le peut pas avec une natalité réduite. La qualité implique le choix et celui-ci suppose le nombre. La quantité, au lieu d’exclure la qualité, comme il arrive ailleurs, en est ici la condition première et souveraine.

Il y a cent ans, quand la natalité était belle en Gascogne, le mariage des paysans était protégé par une véritable sélection. Tous ceux qui y étaient appelés par l’âge n’étaient pas élus et beaucoup restaient en dehors de la terre promise. Dans la plupart des familles, — exactement sept fois sur dix, — on trouvait des tantes et des oncles qu’on y chercherait vainement aujourd’hui : vieilles filles un peu boiteuses ou mal tournées ou trop laides, vieux garçons qui avaient été rhumatisans ou tousseurs de bonne heure, ou simplement timides et lourdauds, car ici il faut avoir la langue alerte pour plaire aux amoureuses. Ils s’étaient résignés au célibat, et l’organisation patriarcale de la famille leur rendait la résignation facile. En général, ils restaient avec l’aîné des frères, avec la souche, ils travaillaient sans gages, pour la nourriture et l’entretien, acceptaient un rôle effacé et même les tâches ingrates : quand toute la maisonnée était à la foire ou à la fête, les tantes veillaient sur les berceaux, les oncles sur l’étable. Ce célibat était un bienfait social, il favorisait les mariages entre les plus forts et les plus qualifiés, les mariages vraiment désirables sans lesquels une race ne peut ni élever, ni maintenir son niveau.

C’est de ces mariages que sortirent les conscrits gascons qui montrèrent une si belle vaillance dans les guerres de la Révolution et de l’Empire. Il est des pages d’histoire et des récits de mémoires qui s’expliquent et s’éclairent quand on a pu étudier