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qui avec les poètes ont tant prêté aux Gascons, n’ont prêté qu’à des riches.

Montluc trouvera en Italie des hommes de sa trempe. Tout est en énergie dans l’Italie de la Renaissance, chacun y pousse l’effort jusqu’à l’extrême limite, rien n’arrête l’élan du geste pour réaliser la pensée, que la main tienne le pinceau ou l’ébauchoir, l’épée ou le poignard. Mais là aussi la natalité est débordante. Le premier coup de canon des Impériaux contre la porte Ovile de Sienne, dans la matinée du 11 janvier 1555, abattit trois habitans qui, à eux trois, laissaient vingt-quatre fils pour les venger. Les femmes ne marchandaient pas leurs maternités à la vie violente de la cité, véritables sœurs de cette Catherine Sforza, criant du haut des remparts de Forli aux assiégeans qui la menaçaient de mettre à mort ses six enfans restés en otage : « Imbéciles, vous voulez tuer mes enfans. Vous n’avez qu’à me regarder pour voir que je puis en faire d’autres. »

Les femmes de la Gascogne, bourgeoises et paysannes, n’avaient pas non plus marchandé leurs maternités pour préparer les fortes générations qui fournirent l’effort de la Révolution et de l’Empire. L’abondante natalité de la fin du XVIIIe siècle doit entrer dans l’explication des énergies déployées à cette époque. Pour tracer son prodigieux sillon, Napoléon eut sous la main une matière humaine, corps et âmes, d’une qualité supérieure. Aujourd’hui, le « surhomme » ne la trouverait plus aussi belle en Gascogne. Il y avait alors chaque année une quinzaine de conscrits dans le village qui n’en fournit plus que cinq ou six, et où il arrive parfois que, sans excès de sévérité, le conseil de révision pourrait en éliminer la moitié. Voilà les deux termes extrêmes du chemin parcouru ou plutôt descendu. Ils expriment bien les deux déchéances, — du nombre et de la qualité, — dont nous souffrons et qui sont étroitement liées l’une à l’autre.


II

Dans un pays où la natalité baisse d’une façon continue, on est amené à se demander si la race n’est pas frappée de stérilité véritable et si les sources de vie n’y sont pas taries. Il y a toujours