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Page:Revue des Deux Mondes - 1911 - tome 4.djvu/77

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eu et il y aura toujours des ménages auxquels les enfans sont refusés. Ils sont dignes de pitié : s’ils sont pauvres, c’est, au déclin des forces, la misère et l’abandon ; et pour les autres il y a peut-être plus de tristesse qu’on ne pense dans une vie, qui, privée de son but naturel, n’a pas de sens, et dans la vieillesse devant un foyer où bientôt des inconnus viendront s’asseoir. Il est probable qu’en Gascogne, pour des raisons qu’il n’y a pas lieu d’étudier ici, la stérilité est en léger progrès. Mais la fécondité de la race reste très suffisante pour maintenir et élever le chiffre de la population si elle n’était pas arrêtée par la restriction volontaire. La fréquence de l’avortement criminel ne laisse aucun doute sur ce point. C’est une plaie qui désole nos campagnes et que la vulgarisation des pratiques antiseptiques favorise. Il y a trente ans, quand dans un village une jeune femme était enlevée par une péritonite suspecte, on était pris de peur autour d’elle, on voyait même la main de Dieu dans cette revanche de la nature violée, et pendant un an ou deux le chiffre des naissances remontait. Aujourd’hui la sécurité est plus grande : j’ai pu écrire que la suppression de l’avortement criminel en Gascogne y relèverait la natalité d’un cinquième, peut-être d’un quart, et ces chiffres n’ont pas été contestés.

D’après certains travaux récens, la natalité française a commencé à décroître sous le règne de François Ier. Elle était encore très belle en Gascogne vers 1750, et nos recherches ne vont pas au delà. Jusqu’à la Révolution, les registres, tenus par les curés, portent 15 ou 20 baptêmes chaque année dans des paroisses qui ne dépassent pas 100 foyers. La moyenne est de 5 enfans par famille, il y en a souvent 8 ou 10 et le fils unique est exceptionnel. En revanche, la mortalité infantile était considérable : une mauvaise hygiène, des habitudes déplorables comme celle de mettre dans le four tous les nourrissons du hameau pour les préserver du froid, la promiscuité de logemens misérables, les épidémies, la disette vidaient souvent les berceaux, mais ils se remplissaient aussi vite. D’après les chiffres des Intendans (1783 et 1787), il y avait 1 436 naissances pour 1 000 décès dans la généralité d’Auch, il n’y en avait que 1279 dans le Languedoc et beaucoup moins dans le Berry et dans la Bretagne. On gagnait alors en Gascogne tout ce qu’on y perd aujourd’hui.

Un premier et léger ralentissement se montre sous la Révolution