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batteries de 12 couvraient de boulets le village. Ce feu était plus bruyant que meurtrier. Les boulets faisaient des brèches dans les maisons, mais sans causer grand mal aux soldats embusqués derrière les haies et les clôtures ; les salves de mousqueterie étaient aussi sans effet sur des tirailleurs bion abrités, tandis qu’au contraire, le tir à volonté et à coups sûrs de ceux-ci décimaient les épais bataillons ennemis qui se déployaient devant eux comme une vaste cible. Le régiment Sanitz subit de telles pertes qu’il quitta la ligne et dut y être ramené à coups de bâton et de plats de sabre. Et selon Von der Goltz, Hohenlohe laissa sa brave infanterie « immobile, pendant deux heures, » sous ce feu meurtrier. C’est à n’y pas croire !

Les Français, cependant, profitaient des temporisations de Hohenlohe : des troupes fraîches arrivaient sur le terrain et secondaient celles qui étaient déjà engagées. À la gauche, la brigade Desjardins (Augereau) pénétrait à son tour dans le bois d’Isserstedt dont le 25e léger (Ney) venait d’être déposté. Lannes, sur l’ordre de l’Empereur, conduit les 100e et 103e de ligne au Nord de Vierzenheiligen contre la droite de Hohenlohe. Le combat est très disputé. D’abord un régiment d’infanterie prussienne est rompu. Mais Hohenlohe rassemble vingt-huit escadrons et en lance les premiers échelons contre le 100e et le 103e qui, sous cette avalanche de chevaux, lâchent pied et se replient en ordre, mais très rapidement jusqu’au point d’où ils sont partis. De la hauteur où se trouvait Hohenlohe, on ne découvrait d’autres troupes françaises que celles qui se repliaient sous les charges de cavalerie, et les tirailleurs établis aux abords de Vierzenheiligen. Encore le feu de ceux-ci semblait se ralentir. Sans doute ils ménageaient les cartouches qui commençaient à leur manquer.

Ce succès rend l’espérance à l’état-major prussien. Grawert s’approche de Hohenlohe pour le féliciter. La victoire paraît certaine. Hohenlohe pensa à la brusquer par une charge à la baïonnette de son infanterie sur Vierzenheiligen. Mais Grawert, si confiant quelques minutes auparavant, objecta que sa ligne d’infanterie était décimée, épuisée, démoralisée par sa longue halte sous le feu. « Dans cette situation, conclut-il, nous devons nous borner à tenir notre position jusqu’à l’arrivée du corps de Ruchel. Nous pourrons alors attaquer le village et achever la victoire. » Hohenlohe consulta Massenbach, son chef