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d’état-major. Celui-ci conseilla l’attaque à la baïonnette de Vierzenheiligen et, en même temps, une charge générale de toute la cavalerie entre ce village et Krippendorf. Hohenlohe hésita, puis se rendit à l’avis de Grawert. Il décida d’attendre Ruchel. Massenbach, désespéré, dit : « Attendre, c’est la mort ! »

Jusqu’alors, les Français n’avaient procédé que par attaques partielles, chaque brigade, chaque régiment, chaque bataillon même déployé en tirailleurs agissant pour son compte contre ce qu’on trouvait devant soi. Sauf quelques ordres à la batterie de la Garde, à la brigade Vedel, à la brigade Couroux, à la brigade Lapisse, Napoléon n’avait pas positivement commandé. Il avait laissé marcher ses têtes de colonnes qui s’étaient attachées pour ainsi dire instinctivement aux pas des Prussiens en retraite et avaient deux fois mordu sur la nouvelle position que ceux-ci avaient prise. Par l’envoi successif de petits renforts, l’Empereur veillait à l’entretien du combat, mais pour passera l’action décisive, il attendait plus de troupes. Il n’avait encore au feu que le corps de Lannes : 19 000 fantassins et cavaliers ; l’avant-garde de Ney : 3 500 ; la brigade Lapisse (corps d’Augereau) : 2 000 ; en réserve, la brigade Couroux (corps d’Augereau) : 2 700 ; et la garde à pied : 5 000 ; en tout, 32 000 fantassins et cavaliers. C’était plus que le corps de Hohenlohe réuni aux Saxons et aux débris de Tauenzien. Mais le front de l’armée prussienne, couvert par des bois et des villages, s’étendait sur plus de quatre kilomètres et paraissait bien garni. L’Empereur devait ou pouvait supposer que l’ennemi lui était supérieur en nombre. Il ne voulait donc rien risquer de décisif avant l’arrivée de grosses fractions des troupes qu’il savait en mouvement pour le rejoindre.

On canonnait et on tiraillait sur toute la ligne, mais chacun retardait de porter le coup décisif jusqu’à l’arrivée des renforts. Hohenlohe attendait Ruchel, Napoléon attendait ses divisions restées en arrière et sa réserve de cavalerie, et il attendait surtout la venue ou au moins un avis rassurant de Soult dont il entendait depuis longtemps le canon en arrière de sa droite.

Le malheur pour Hohenlohe, c’est que le corps de Ruchel était bien loin et que, au contraire, la concentration des Français allait s’opérer sans plus de délai. Soult, après avoir refoulé au-delà de Nerkewitz le corps de Holtzendorf, l’avait jugé en si