En rentrant à Iéna le soir du 14 octobre, l’Empereur croyait à une victoire sur l’armée prussienne tout entière. C’était exact. Mais il ignorait que cette armée avait été vaincue dans deux batailles simultanées et distinctes : celle qu’il venait de livrer lui-même aux corps de Hohenlohe entre Iéna et Weimar, et celle que Davout avait livrée, en même temps, à quatre lieues plus au Nord, sur la rive gauche de l’Ilm, à l’armée royale.
Depuis le début des opérations, Davout formait avec Bernadotte et Murât la tête de l’armée française dans le grand mouvement débordant entrepris par Napoléon. Le 12 octobre dans la soirée, il arrivait à Naumbourg, et ce même soir, et dans la journée du 13, il poussait par le pont de Kosen, sur la rive gauche de la Saale, des reconnaissances de cavalerie qui furent ramenées par plusieurs escadrons prussiens. Le 13, il resta dans ses positions, attendant de nouveaux ordres de l’Empereur qui lui étaient annoncés. Pour les transmettre sans perdre une minute à ses généraux, le maréchal avait gardé ceux-ci chez lui toute la soirée et une partie de la nuit. À trois heures du matin, la dépêche de Berthier arriva. Elle portait : « L’Empereur qui, dans la soirée, a reconnu une armée prussienne qui s’étend depuis une lieue en avant depuis les hauteurs d’Iéna jusqu’à Weimar, a le projet de l’attaquer demain. Il ordonne à M. le maréchal de se porter sur Apolda afin de tomber sur les derrières de l’ennemi. Il laisse M. le maréchal libre de tenir la route qui lui conviendra, pourvu qu’il prenne part au combat. »
Dans un second paragraphe, Berthier ajoutait : « Si M. le maréchal Bernadotte se trouve avec vous, vous pourrez marcher ensemble, mais l’Empereur espère qu’il sera dans la position qu’il lui a indiquée à Dornburg. »
Il est manifeste que l’Empereur, quand il fit écrire ces dépêches, le 13 à dix heures du soir, croyait avoir devant lui et devoir combattre le lendemain toute l’armée prussienne. Il voulait donc que les corps de Davout et de Bernadotte prissent part à la bataille en se portant dans la direction d’Apolda sur les derrières du gros de l’ennemi.
Bernadotte, cette nuit-là, se trouvait, non pas à Dornburg, mais à Naumburg, ses troupes bivouaquées au Sud de la ville,