Page:Revue des Deux Mondes - 1911 - tome 4.djvu/817

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

effet qu’être autonome ? Si cela voulait dire qu’il faut pour cela que notre volonté se donne elle-même arbitrairement des lois, ce serait simplement absurde d’abord, et destructeur de toute moralité ensuite. C’est bien ainsi que l’a entendu Kant : la volonté qui seule peut être autonome est la volonté bonne et raisonnable, c’est-à-dire conforme à la raison et, par la raison, conforme aussi bien à la nature. L’autonomie de la volonté est donc cette sorte de souveraineté accordée à la raison dans le gouvernement de la vie comme elle lui est attribuée dans l’organisation des idées de l’intelligence. On peut dire qu’elle est reconnue par tous. Les formes dont on se sert pour exprimer cette vérité sont très diverses et paraissent divergentes ; cependant on est d’accord et les divergences ne viennent que des résistances qu’en paroles on veut opposer à des pensées dont la vérité s’impose, mais qui contrarient des habitudes ou démentent des attitudes. C’est ainsi qu’un certain nombre de théologiens catholiques refusent d’accepter l’expression d’autonomie ; ils estiment que concéder à l’homme cette autonomie serait proclamer son indépendance vis-à-vis de Dieu, ce qui, à bon droit, leur semble un blasphème. Néanmoins ils reconnaissent que -Dieu n’est pas un tyran, qu’il n’est pas un maître arbitraire et capricieux, que, selon l’expression de Mgr d’Hulst, ses commandemens, avant d’être des préceptes, sont des raisons, parce que c’est la raison suprême qui préside à tous ses actes, à toutes les lois qu’il a établies. Comment d’ailleurs l’homme peut-il savoir que Dieu existe et ce que Dieu a pu commander si ce n’est par sa raison ? L’homme en obéissant à sa propre loi obéit à Dieu ; en obéissant à son vouloir-vivre le plus essentiel, c’est encore à Dieu même qu’il obéit, et son obéissance relève tout d’abord de sa raison. Nous ne commençons pas par savoir que Dieu existe et nous n’en concluons pas ensuite que nous devons être raisonnables : c’est parce que nous sommes raisonnables que nous reconnaissons l’existence de Dieu et notre dépendance vis-à-vis de lui.

Les théologiens ont le droit de dire, — seraient-ils théologiens et croyans s’ils ne le disaient ? — que sans l’existence de Dieu l’absolu du devoir n’existerait plus et que toute la morale resterait en l’air ; mais ils doivent reconnaître avec Mgr d’Hulst et le P. Sertillanges que la raison, même avant d’arriver à Dieu, impose à l’homme la reconnaissance de la loi et l’obligation