Page:Revue des Deux Mondes - 1911 - tome 4.djvu/831

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

DANS LA HAUTE-VÉNÉTIE

I. — LA ROUTE DES DOLOMITES

J’avais gardé de si charmans souvenirs de Bozen, toutes les fois que j’étais arrivé en Italie par le Brenner, que j’ai voulu, cette année, m’y arrêter quelques jours et entrer en Vénétie par la route des Dolomites et le Tyrol italien. Bien qu’autrichienne, Bozen a déjà la grâce latine. Elle sourit dans le soleil et dans les fleurs. Sur les pentes de ses collines, les figues et les grenades mûrissent au pied des cyprès noirs et des lauriers toujours verts. La campagne riche et fertile, les vignes abondantes au feuillage luxuriant, les maisons, les fermes dont quelques-unes ont des façades peintes, les étalages, les marchés en plein air, les visages, le langage même avec ses souplesses qui rappellent le zézaiement vénitien, et surtout la voûte bleue d’un ciel à la fois profond et léger, tout chante la volupté de vivre. Certes, les descentes sur les versans italiens sont toujours enivrantes, et j’aime l’accueil de ces petites villes qu’on rencontre après et quelquefois même avant la frontière, qui ont encore la grandeur alpestre et déjà la douceur méridionale. Rien n’est plus exquis que ce premier contact sans rudesse qui annonce l’approche des belles enchanteresses du Sud. Mais jamais cette sensation de chaud bien-être ne se goûte mieux qu’après un séjour en Suisse ou en Bavière. Partir le matin de Lausanne, de Lucerne ou de Munich, sous un ciel bas, triste, humide et gris, traverser des paysages grandioses, mais incolores, puis, peu à peu, voir le ciel s’éclaircir et bleuir,