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Page:Revue des Deux Mondes - 1911 - tome 4.djvu/84

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pension avec une éducation plus brillante, des aspirations nouvelles, une instruction parfois assez étendue, à laquelle il manque peut-être d’être adaptée, a du temps devant elle pour la lecture, le piano, la broderie, le tennis, les réunions mondaines, la rêverie. Moins occupée, elle a laissé l’énergie se relâcher ; les vieilles empreintes, souvenir des grand’mères lointaines qui gardaient la maison et filaient la laine, se sont effacées et ainsi s’est éteint le foyer féminin de l’ambition familiale. Si la jeune mère s’arrête à un seul bébé, c’est moins pour qu’il ait plus tard une fortune plus brillante que pour des préoccupations d’un autre ordre, plus immédiates.


III

Ces préoccupations sont les mêmes chez les paysans, devenus beaucoup plus indifférens qu’autrefois au partage éventuel de l’héritage, gagnés par l’égoïsme et le désir ardent de jouir. Ici, les causes sont différentes, diverses, plus indirectes, plus lointaines.

Le progrès considérable de l’hygiène sociale, la diffusion du bien-être, certaines habitudes de confort et même de luxe ont singulièrement adouci la rudesse de la vie paysanne en Gascogne[1]. Le travail agricole n’est plus le dur métier d’autrefois où il fallait faucher à la main les prés et les fourrages, les avoines et les blés. Les vieux disent souvent aux jeunes : Vous renonceriez à ensemencer la terre si, pour faire la moisson, il vous fallait prendre la peine que nous prenions. Avec la machine est venu l’engrais chimique, que les paysans ont regardé d’abord d’un œil méfiant, et qu’ils répandent maintenant avec joie. La poudre mystérieuse, blanche comme du sel ou grise comme de la cendre, rend fertiles les champs qui ne l’étaient pas et fait pousser des récoltes sur ceux qui n’ont pas reçu toutes leurs façons. Parce que le poignet aura été mou sur le mancheron de la charrue, le grenier ne restera pas vide : l’engrais supplée au travail dans une certaine mesure.

Pour arracher à la terre le pain qui le nourrissait, l’homme n’avait autrefois que ses bras faiblement armés. Quand un coin du champ, malgré les labours et les fumures, ne lui donnait que

  1. Voyez la Revue du 1er août 1909, loc. cit., p. 646.