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entretiennent tout État, on devait, à toute force, instituer une hiérarchie, on en ramènerait l’échelle au « nécessaire, » à « l’utile, » au « bien-séant » et à « l’agréable. » L’agriculture, étant le plus nécessaire, serait dès lors le plus honorable des arts : « On peut dire que les laboureurs sont les pieds de l’Estat ; car ils le soustiennent et portent tout le faix du corps. Vos Majestez (le Roi et la Reine mère) en doivent garder la lassitude, car, s’ils se laschoient, le chef en patiroit comme les autres membres. Il n’iroit plus où il voudroit s’ils luy manquoient. Vous en devez donc prendre un soin très particulier. C’est par eux que vous soudoyez vos armées, que vous payez vos garnisons, que vous munissez vos places, que vous remplissez vostre espargne. C’est par eux que nostre noblesse vit et que vos villes sont nourries[1]. » Et puis viendraient les arts qui, « à la vérité, ne sont pas si absoluement nécessaires à nostre vie comme l’agriculture, mais ils nous sont rendus tels par usage et par couslume, et, sans eux, elle seroit manque et imparfaite. »

Et l’on descendrait par degrés des choses naturelles aux artificielles, parmi lesquelles on laisserait « le premier rang en un Estat » à celles « qui se répandent en plus d’usages. » En vertu de cette règle, le premier des « labeurs de main qui s’employent sur un subject naturel » est le travail du fer, et la forge est par conséquent le premier des arts. « Puis donc que l’utile nous tient icy lieu de principale considération, par lequel des arts convient-il de commencer que par celuy de la forge, sans lequel les autres ne se peuvent employer ?… Nous l’appellerons donc à bon droit l’art des arts, le commun élément de leurs élémens, la main de toutes les mains qui travaillent, le premier instrument de l’invention, etc. » Le morceau continue sur le mode lyrique et en vient enfin à cette conclusion : « Pour reprendre mon discours, j’ose asseurer à Vos Majestez — et quand et quand (du même coup) je prouve avec la nécessité l’utilité de l’art dont je parle — qu’il y a plus de 500 000 personnes en vostre Estat qui comme salemandres vivent au milieu de ce feu, qu’il s’estend au reste en tant de divers mestiers qu’il faudroit plusieurs pages pour en faire le dénombrement[2]. »

Ainsi de suite d’art en art, et de métier en métier. Mais c’en

  1. Édit. Th. Funck-Brentano, p. 43.
  2. Ibid., p. 48.