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choses en leur place, et de les dire telles que vraiment elles ont été ! je parle ainsi parce que, encore bien que ce discours qu’il nous a fait ait été merveilleux, notre ami y a commis maintes erreurs, et dit maintes choses l’une pour l’autre.

— En ce cas, reprit le cardinal, avec l’assentiment de Giovio, de Caro, de Tolomei, et des autres vous pourriez donner à Giovio un résumé de votre façon, et une notice où vous citeriez en bon ordre tous les artistes susdits, ainsi que leurs œuvres classées suivant leurs dates ! Et ainsi, ce serait encore un nouveau bienfait qu’obtiendraient de vous ces arts où vous excellez !

Laquelle chose, tout en la sachant au-dessus de mes forces, je promis de faire bien volontiers selon mon pouvoir. Et, donc, m’étant mis aussitôt à rechercher mes souvenirs et écrits, — recueillis depuis ma première jeunesse à la fois par une certaine manière de passe-temps et en raison de ma respectueuse affection pour la mémoire de nos artistes, dont toute mention m’était infiniment chère, — je réunis ensemble tout ce qui, là-dedans, me paraissait convenir à l’entreprise projetée, et allai le porter à Mgr Giovio. Mais lui, après qu’il eut grandement loué ce travail :

— Mon Giorgio, me dit-il, je veux que vous preniez vous-même la peine de développer tout cela, suivant une manière dont je vois que vous saurez tirer un excellent parti : attendu que, pour moi, je n’en ai pas le courage, ne connaissant pas cette bonne manière et ignorant une foule de détails qu’il vous sera très facile de savoir ; faute de quoi, le plus que je pourrais faire, pour ma part, ce serait un tout petit traité semblable à celui de Pline. Oui, faites ce que je vous dis, Vasari, parce que je vois que cette chose-là est destinée à réussir magnifiquement, d’après l’échantillon que vous m’en avez donné dans cette narration !

Et comme il lui semblait que je n’étais pas bien résolu à suivre son conseil, il me le fit redire encore par Caro, par Molza, par Tolomei, et d’autres de mes plus chers amis : de telle sorte que, m’étant enfin décidé, je mis la main à l’ouvrage projeté, avec l’intention de le donner à l’un d’eux, sitôt que je l’aurais fini, afin que, l’ayant revu et arrangé, il le publiât sous un autre nom que le mien.


Si l’auteur de cet aimable récit n’était pas le plus inexact de tous les écrivains, — et surtout en matière de chronologie, — c’est à l’année 1946 que ses compatriotes devraient reporter les fêtes qu’ils viennent de célébrer en son honneur le 30 juillet de la présente année 1911, quatrième centenaire de sa naissance : car aucun moment de la longue carrière de Georges Vasari n’est, à coup sûr, aussi digne d’être commémoré solennellement que celui où le glorieux peintre et architecte toscan, regardé par ses contemporains comme le continuateur le plus authentique du génie de Raphaël et de Michel-Ange, s’est diverti pour la première fois à recueillir et à « développer » ses notes sur la vie et les ouvrages des « hommes les plus illustres dans les arts du dessin. »