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CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.




Après des alternatives diverses, il semble bien que nous soyons aujourd’hui orientés vers une solution des difficultés germano-marocaines. Solution définitive ? Solution provisoire ? Qui pourrait le dire ? L’expérience nous a appris qu’avec l’Allemagne il n’y a rien de définitif, et la leçon qui restera pour nous, et sans doute aussi pour d’autres, de l’épreuve dont nous ne sommes pas encore sortis, est que, dans les relations avec elle, il est difficile, impossible peut-être, d’aboutir à un sentiment de pleine sécurité. L’Allemagne s’est-elle proposé consciemment de faire naître cette impression en France et ailleurs ? Non sans doute ; certains indices donnent même à croire qu’elle s’était proposé un but très différent ; mais les procédés qu’elle a employés, empruntés à une période historique que nous considérons comme close, ont eu des résultats opposés à ceux qu’elle poursuivait. Nous aurions tort de nous en plaindre ; le brusque réveil de l’opinion en France, en Europe, en Amérique, est un fait dont il faudra tenir compte désormais.

Ce changement, qui a été si manifeste, tient à des causes multiples : nous en avons indiqué quelques-unes, il y en a une sur laquelle nous insisterons davantage. Pendant longtemps, l’Allemagne s’est donnée en Europe comme la puissance conservatrice par excellence. Favorisée par la fortune dans des proportions inespérées, elle se déclarait satisfaite, et Bismarck disait volontiers qu’elle était rassasiée. Après ses conquêtes prodigieuses, que pouvait-elle ambitionner de plus ? Le génie audacieux, mais pratique et mesuré, de Bismarck, ne s’appliquait plus qu’à consolider et, pour le faire, il s’employait à assurer aux autres, à nous surtout, des satisfactions auxquelles il aurait aimé, lui aussi, à donner le nom de compensations. Il a dit un jour, dans son langage pittoresque : « On m’accuse