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en Gaule ; les invasions qui, jusqu’au Xe siècle, mirent le pays dans un état plus misérable que sous la domination de Rome. Les villes perdent alors leur importance ; la féodalité s’organise, le château fort domine la contrée. Ensuite la bourgeoisie s’émancipe : les villes franches reçoivent des privilèges ; les corps de métier sont, pour les artisans, un moyen de se défendre à la fois contre l’oppression et contre la concurrence. C’est eux qui constituèrent la première tentative d’organisation industrielle depuis la disparition du collège antique, après que, pendant un intervalle de plusieurs siècles, les travailleurs eurent été, pour la plupart, réduits à l’état de serfs.

Grâce à la découverte de l’Amérique, le capital mobilier devint assez abondant et assez hardi pour former des entreprises. En 1789, la grande industrie avait déjà poussé de profondes racines. Les capitaux auxquels elle faisait appel étaient fournis principalement par la bourgeoisie. Les ouvriers se divisaient : 1° en ouvriers sédentaires non engagés dans le compagnonnage ; 2° en ouvriers enrôlés dans le compagnonnage, c’est-à-dire ayant fait leur tour de France et fixés ensuite dans une localité ; 3° en ouvriers des manufactures ; 4° en ouvriers ruraux. Le tableau que Levasseur nous trace de la France à cette époque le mène au seuil de son Histoire des classes ouvrières et de l’industrie en France de 1789 à 1870, digne suite de la première, plus malaisée à écrire, parce que le travail industriel, émancipé par la Révolution, s’est alors développé et a exercé son influence, non seulement sur la richesse, mais sur l’éducation, sur les mœurs, sur la politique et jusque sur les spéculations philosophiques et les systèmes sociaux. Ces deux volumes, qui n’embrassent qu’une période de 81 ans, comprennent plus de texte que celle des dix-huit siècles qui l’ont précédée. À cette seule différence nous pouvons mesurer l’étape parcourue : la Révolution, le Premier Empire, la Restauration, la monarchie de Juillet, la deuxième République, le Second Empire, ont fourni à l’auteur plus de matière que la période gallo-romaine et celle de trois dynasties de rois. Et encore n’a-t-il parlé ni de l’agriculture, ni de la classe agricole, et n’a-t-il abordé les questions relatives au commerce, à la circulation et à l’échange des richesses que dans la mesure où elles éclairaient les problèmes industriels.

Levasseur ne s’en tint pas là Poursuivant son œuvre jusqu’au bout, il publia en 1907 les Questions ouvrières et industrielles