Page:Revue des Deux Mondes - 1911 - tome 5.djvu/127

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

avait eu pour sujet la Participation aux bénéfices, non seulement il prenait soin de définir cette participation avant d’analyser les mémoires présentés ; mais, après avoir rempli cette double tâche, il ne considérait pas que son devoir fût accompli : dans une troisième partie de son rapport, qui n’est pas la moins intéressante, il s’efforçait d’éclairer l’opinion sur l’état actuel de la participation : prudemment, il concluait qu’elle est un mode recommandable d’organisation du travail, mais qu’il faut ne l’appliquer qu’à bon escient. Quelles que soient les difficultés et les lenteurs de la propagande, il conseillait de la poursuivre, tout en évitant les enthousiasmes irréfléchis et les espoirs exagérés ; il rappelait qu’il convient de garder, dans le jugement que nous portons sur les transformations économiques, une juste mesure. C’est sur ce mot, qui pourrait servir de devise à son œuvre, que nous terminerons le chapitre consacré à Levasseur économiste. Dans une science où il est particulièrement malaisé de se garder des théories absolues et des déductions erronées, personne mieux que lui n’a su observer la modération des idées et dégager la vérité du choc des opinions contraires.


VI. L’AGRONOME

A ceux qui savent quel intérêt Levasseur apportait aux questions de production agricole, il ne paraîtra pas étonnant que nous consacrions quelques lignes à la partie de son œuvre qui touche plus spécialement l’économie rurale. En l’admettant en 1885 au nombre de ses membres, et en le nommant ensuite président, la Société nationale d’Agriculture rendit un hommage mérité au savant qui, s’il n’avait pas, comme la plupart de ses nouveaux confrères, l’expérience de la gestion personnelle d’un domaine, avait approfondi les problèmes qui les occupent et pouvait en discuter la solution avec une compétence devant laquelle tous s’inclinaient. Si M. Louis Passy, secrétaire perpétuel de la Société, avait raison de dire que l’agriculture est un cadre dans lequel se sont groupées toutes les sciences auxquelles s’appliquait l’infatigable ardeur de Levasseur, celui-ci, à son tour, pouvait répondre que, sans être cultivateur, il n’était pas de coin de la ferme, de façon de la terre qui n’attirât son attention. Il avait fait sa première éducation terrienne de