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poèmes « romains » qui sont peut-être ce qu’il y a de plus achevé dans l’œuvre de M. Frédéric Plessis. On ne peut, il est vrai, dire que cette œuvre soit tout entière d’inspiration romaine : on y saisit la trace d’une vive admiration pour la Grèce héroïque et pour la Renaissance italienne, d’un attachement obstiné aux paysages familiers, bretons ou normands, des préoccupations contemporaines enfin et des passions patriotiques et politiques les plus actuelles. Cependant, quelle que soit la diversité des thèmes qu’il a traités dans ses poèmes, M. Plessis n’a pas craint de les mettre tous sous la protection de Rome, d’évoquer dans sa pièce liminaire, comme on eût dit jadis, « l’ombre de Gallus » et « l’âme de Virgile, » et de se promettre que ses vers


Revivront dans la vie éternelle de Rome
Et dans l’écho sacré des chants virgiliens.


Cet hommage est une indication que la critique ne saurait négliger. On sait au surplus que M. Plessis est latiniste en même temps que poète, latiniste, à l’ancienne mode et à la nouvelle tout ensemble, avec le goût délicat des humanistes du XVIIe siècle et la précision documentaire des érudits du XIXe : sa double personnalité s’est récemment affirmée dans un très bon livre sur la Poésie latine, qui possède cette originalité, rare aujourd’hui, que des poètes y sont jugés par un poète après avoir été commentés par un philologue ; mais déjà les recueils de vers de M. Plessis laissaient apparaître cette exceptionnelle et féconde union.

Si on les parcourt, suivant le dessein que nous nous sommes assigné, pour y relever les vestiges de l’influence latine, on remarque d’abord, comme il est naturel, un assez grand nombre de traductions ou d’adaptations presque littérales, dans lesquelles l’exactitude du sens ne fait nul obstacle à la ferme et souple aisance de la langue. On s’aperçoit en particulier que le traducteur semble porté, par un attrait tout spécial de « connaisseur, » vers les parties les moins connues et les plus curieuses de la poésie romaine. De Properce, par exemple, qui passe non sans raison pour l’un des auteurs latins les plus difficiles à entendre, M. Plessis a transposé quelques-unes des plus belles élégies : sur l’humilité des débuts de Rome comparée à sa future grandeur, sur le chaste amour d’Ælia Galla, sur l’ombre de Cornélie, etc. Il a aussi mis en vers français quelques