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politiques exigent dans un ministère classique. J’attends des lettres. Celles que l’on a reçues annoncent que mon frère doit traiter, au nom du Roi avec les anciens Etats, pour leur vacciner une constitution impitoyablement libérale. Que d’expérience in corpore vivo sous toutes les zones ! »

Dans les papiers de Humboldt dont s’empare la police, se trouvent aussi des lettres signées La Fayette et datées de son château de La Grange :

« Il y a bien longtemps, mon cher ami, écrit le général en juin 1817, que je n’ai eu le plaisir de vous voir et de recevoir de vos nouvelles ; je viens vous demander un service que vous m’accorderez à bien des titres. Nous avons un portrait charmant de notre admirable M. de Tessé, une image de sa jeunesse où l’on retrouve encore ses traits et son regard. Mon fils l’a fait restaurer avec soin, et nous l’avons placé dans le salon de la Grange ; mais nous l’avons vu se gâter peu à peu, sans deviner la cause de ce dépérissement. Ce ne sont pas les changemens de costume que M. de Tessé avait fait faire, il y a plusieurs années. Serait-ce la restauration, le changement de toile opéré par les personnes, a-t-on dit, les plus habiles en ce genre ? Peut-être est-ce l’humidité de nos murs de grès, dont le tableau n’était séparé que par le plâtre et un papier. Dans ce cas, après qu’il aurait été rétabli, je le placerais sur la glace du salon, où il serait à l’abri de l’influence du grès. Mais, avant tout, il faut le réparer, sans nuire à la ressemblance de sa jeunesse, où nous aimons à rechercher celle des derniers temps. Il faut un artiste habile et un excellent ami. J’ai pensé que vous trouveriez quelque jouissance à prendre des soins pour le portrait de notre cher M. de Tessé, et j’ai chargé le porteur de cette lettre de le déposer chez vous, ou dans le lieu que vous lui indiqueriez.

« Nous sommes entourés, ici, de misères affreuses, assaillis par une mendicité menaçante, et, depuis une dizaine de jours, agités par une fermentation de marchés, qui n’attirera pas les vendeurs et qui pourra être suivie d’une crise terrible. La multitude a dicté le prix que l’autorité a prononcé. Les simples citoyens se bornent à soulager autant qu’ils le peuvent les maux individuels, laissant aux administrateurs le soin des mesures générales ; mais je crains bien que cela ne finisse très mal.

« J’ai été, ce matin, bien agréablement distrait de nos infortunes