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de cette douce habitude de pouvoir l’entendre à chaque heure du jour ! Je sais que vous rendrez la plus éclatante justice au talent, à la prudence, au patriotisme de mon frère. Je sais aussi qu’il ne pourra jamais s’éloigner d’une personne à laquelle, lui et moi, nous devons les marques de la plus douce et plus constante affection.

« Vous avez été placé si haut par la Providence pour influer sur les affaires générales du monde, que j’attends avec confiance l’issue d’une lutte engagée par une coupable exagération de quelques têtes mal organisées. J’ai appris avec une vive satisfaction qu’en même temps que des mesures de rigueur ont été prises contre ceux qui veulent cimenter la liberté avec le sang et rendre odieux tout ce qui peut élever et ennoblir les hommes, vous avez soumis au Roi les bases d’une constitution d’Etats. Les temps dans lesquels nous vivons sont très extraordinaires. Séjournant dans un pays dans lequel les grandes querelles qui ébranlent les diverses classes de la société sont à peu près vidées, et où règne dans ce moment un grand désir de calme et de tranquillité, je ne juge sans doute que bien imparfaitement de l’état de ma patrie ; mais je pense comme Votre Altesse que les rigueurs nécessaires pour ne pas laisser écrouler l’édifice social ne peuvent (parce qu’elles sont des moyens physiques) remédier que momentanément à un mal moral.

« Les constitutions établies dans quelques Etats d’Allemagne ont compliqué les questions, parce qu’elles ont été formées d’après des idées très divergentes. On a tâché de persuader à une partie de la nation que les grandes puissances ont une tendance concertée à gêner le développement de la pensée, à empêcher la discussion sur des objets d’un intérêt général, à s’effrayer d’un enthousiasme qui a produit tour à lourde grands malheurs et de belles actions chez des peuples de race germanique. Cet état d’irritation, véritable ou factice, cessera dès que, par les sages institutions que vous méditez, on offrira d’autres alimens à l’esprit public ; il cessera d’avoir de l’importance, dès que les hommes mûrs, les propriétaires, qui ont intérêt au calme et à la stabilité, seront appelés dans les conseils des souverains. Une publicité autorisée, je dirai encouragée par le gouvernement, fait cesser les trames coupables ourdies dans le secret. Un noble attachement à des familles régnantes qui ont gouverné avec douceur, émancipé les classes inférieures du