Page:Revue des Deux Mondes - 1911 - tome 5.djvu/204

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

il aurait fallu conduire les affaires en général, et particulièrement dans le moment actuel, avaient été si opposés aux vôtres, qu’il n’avait pas pu s’accorder avec vous là-dessus, sans blesser sa conscience et ses devoirs envers le Roi, qu’il lui avait été douloureux sans doute de ne plus se trouver sur le même pied avec vous, mais qu’il n’avait aucun reproche à se faire à cet égard ; qu’il avait, au contraire, depuis son départ de Londres, et plus encore pendant son séjour à Francfort, tellement à se plaindre de vous, que l’impression n’avait pu en être effacée par les simples protestations d’amitié, et du désir de renouer les anciennes liaisons que vous lui aviez faites à son arrivée à Berlin, sans même les accompagner d’une marque réelle de confiance. »

« C’est ainsi qu’on renvoie la balle. Je ne tiens cependant pas beaucoup à ce que tu lui dises cela. Je suis sûr qu’en aucun cas, tune lui répondras qu’il a raison, et voilà ce qui me suffit. Il est inconcevable comme on peut mêler et confondre ainsi les intérêts de l’État et ses rapports personnels. Aucun des hommes qui me connaissent depuis longtemps pourrait-il s’imaginer qu’il n’avait, après m’avoir vraiment maltraité, qu’à me donner une place et des appointemens, et à me dire quelques phrases amicales pour m’engager à oublier non seulement ce qui s’est passé, mais même mes maximes et mes principes.

« Je plains, au reste, beaucoup le prince de Hardenberg. Il s’attire une immensité d’affaires et de désagrémens sur le déclin de ses jours, et n’est point secondé comme il devrait l’être dans son poste. Quant à moi, il t’en souvient combien je lui ai dit à Aix-la-Chapelle, à lui et à A..., que je ne pouvais pas me trouver dans le ministère à présent ; tu te souviens aussi qu’en oubliant entièrement la manière dont j’avais été traité, j’ai été le plus amicalement du monde avec le Prince. Tu pourrais, si tu ne veux pas lui dire ce que je viens d’écrire, lui rappeler ceci.

« Voilà, mon cher Alexandre, ce que j’avais à te dire sur ce sujet ; je n’y reviendrai plus à présent. Il est ennuyeux d’en parler, et Dieu sait que je n’ai pas le moindre petit ressentiment contre le Prince. Je ne me rapprocherai certainement pas personnellement de lui, mais je désire sincèrement qu’il ait tous les succès et toutes les satisfactions possibles : je désire seulement qu’il trouve des hommes qui puissent, d’accord avec lui,