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et de mensonges, et surtout sur le motif de mon éloignement des affaires. Personne ne s’imagine que cette mesure n’a eu aucune cause particulière, qu’elle n’a été précédée par aucun événement, aucune querelle, aucune division même : on inventera donc des raisons, et on fera des histoires.

« Tu voudrais avoir, cher Alexandre, une légère notice des causes les plus rapprochées de ma catastrophe ; je puis certainement satisfaire cette demande, sans dévoiler aucun mystère, et sans m’exposer à aucun inconvénient dans le cas très probable que cette lettre soit lue avant qu’elle ne te parvienne. D’après tout ce que je sais historiquement, et ce que je puis concevoir moi-même par conjectures, il n’y a eu absolument d’autre raison que celle que le prince de Hardenberg a cru que la diversité d’opinions entre lui et moi était trop prononcée, et mon influence sur le ministère, malgré l’opposition dans laquelle je me trouvais avec lui, trop grande pour qu’il pût conduire l’administration d’après son système, aussi longtemps que je serais en place. Il a voulu, de plus, se débarrasser de mon opposition dans le ministère et dans le Conseil d’État, pour les nouveaux impôts qui vont être créés à présent : je ne le blâme pas en ceci ; je trouve, au contraire, qu’il a très bien fait ; il aurait seulement fait mieux encore s’il ne m’avait jamais appelé au ministère. Il devait voir, par tout ce que je lui avais dit à Aix-la-Chapelle, et écrit, de Francfort, au Roi, que nous ne pouvions pas nous trouver dans les relations où il voulait me placer, sans qu’un de nous changeât entièrement de principes et de systèmes. Je n’ai jamais, étant ministre, agi dans un sens d’opposition aussi direct que j’ai parlé et écrit alors. J’ai toujours su tenir exactement la ligne entre ce qu’on peut écrire et ce qu’on peut faire. J’ai toujours senti ce que m’imposait ma place même, et j’ai agi avec la plus grande délicatesse, sans cependant altérer en rien ni mes principes ni mes opinions.

« Ce que le prince de Hardenberg t’a écrit ne m’étonne guère : il l’a dit à plusieurs personnes ici ; c’est de toute fausseté ; ce n’est pas lui qui a à se plaindre, c’est moi, et ceux qui nous connaissent tous les deux savent bien à qui de nous deux il faut supposer plus de constance dans l’amitié. Tu me ferais plaisir, si tu voulais lui répondre là-dessus ces mots à peu près : « J’ai été fort peiné sur ce que vous me dites sur mon frère. Il m’a écrit que ses principes et ses opinions sur la manière dont