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LES ENFANCES
DE
GIACOMO LEOPARDI[1]


I

Sa première enfance fut heureuse.

Pourtant, au dehors, c’était le trouble et la terreur. Jamais Recanati ne connut des jours pires qu’en cette année 1798, où il naquit. On avait d’abord appris d’étranges nouvelles sur les choses de France : que les gens de Paris avaient détrôné leur roi ; puis, qu’ils l’avaient décapité. Pris d’une sorte de délire furieux, les Français, disait-on, ne s’étaient pas contentés de se déchirer entre eux : cette nation jadis si policée, qui se vantait d’être la première au monde par la douceur de ses mœurs et les raffinemens de sa culture, devenue tout d’un coup sauvage et barbare, avait déclaré la guerre à l’Europe. Ses armées avaient franchi les Alpes ; elles avaient remporté des victoires, vers le Nord, en Lombardie. Continuant leur marche impétueuse, elles osaient s’avancer maintenant contre les Etats du Pape. Les

  1. Sept volumes d’un Journal où Giacomo Leopardi notait au jour le jour l’évolution de sa pensée, et un volume encore d’écrits inédits, publiés en Italie au cours de ces dernières années, renouvellent les questions qui touchent au grand poète de la douleur. Tout est à refaire en France sur son compte : tout, et le récit de sa jeunesse d’abord.
    Nous tenons à remercier bien vivement le comte Ettore Leopardi, qui nous a donné libre accès dans sa demeure, à Recanati. Et nous rendons volontiers justice, d’autre part, à l’excellent livre de Chiarini, Vita di G. Leopardi, 1905, qui nous a servi sur plus d’un point.