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de l’Angleterre presque autant que son organisation politique, et l’une subit aujourd’hui les mêmes épreuves que l’autre. Si la Chambre des Lords est découronnée, les trade-unions sont battues en brèche, leur autorité sur les ouvriers fléchit, on ne leur obéit plus, elles sont débordées par les élémens violens du parti. Il semble bien cependant que, au moins cette fois, les ouvriers n’aient pas voulu pousser le mouvement jusqu’au bout, peut-être parce qu’ils n’avaient pas pu entraîner la majorité d’entre eux, peut-être parce qu’ils sentaient la gravité de leur mouvement. À mesure qu’on se battait, on négociait, et la paix a été rapidement faite. Tout le monde ne l’a pourtant pas acceptée tout de suite et on a continué de se battre sur plusieurs points pendant quelques jours encore. Dans le pays de Galles, qui est celui de M. Lloyd George, de nouveaux désordres ont eu lieu : on y signale, en outre, le commencement d’une campagne antisémite d’une nature assez inquiétante. La Commission gouvernementale dont nous avons parlé réussirait-elle à apaiser ces flots agités ? Sans doute : mais nous serions surpris que ce fût d’une manière définitive et, à vrai dire, le scepticisme, sur ce point, est assez répandu.

La situation intérieure de l’Angleterre est donc assez troublée. Toutefois, au milieu des difficultés qui l’assaillent, le gouvernement a conservé son sang-froid et sa fermeté. S’il n’a pas guéri des maux qui sont profonds et à l’origine desquels il n’a peut-être pas été complètement étranger, il s’est opposé au désordre et a pris rapidement toutes les mesures pour y mettre fin. Ces mesures ont été efficaces, au moins pour le moment : quant à l’avenir, à chaque jour suffit sa peine.


Parlerons-nous de la Joconde ? Certes, la disparition de l’admirable portrait de Mona Lisa est pour tous les Français cultivés un motif de douleur profonde, et ce sentiment serait partagé par le monde entier, si le tableau ne se retrouvait pas. De pareilles œuvres peuvent être, en effet, ici ou là, dans tel ou tel musée, mais elles appartiennent à l’humanité dont elles enrichissent le patrimoine et leur perte est un malheur universel. Mais la question qui se pose aujourd’hui est de savoir comment la Joconde a pu être volée, comment un escroc audacieux a pu pénétrer dans le Salon carré du Louvre et en sortir sans être aperçu avec le tableau sous le bras. Un pareil fait est si extraordinaire qu’on l’aurait cru impossible : pour qu’il ait pu se produire, il faut qu’il y ait eu, ou insuffisance dans le personnel des gardiens, ou négligence coupable, ou connivence criminelle et en tout