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MADEMOISELLE DE GOURNAY

Il faut remercier M. Mario Schiff, professeur à la Faculté des Lettres de l’Université de Florence, de nous avoir donné un excellent petit livre sur Mlle de Gournay, contenant : 1° une notice sur Mlle de Gournay ; 2° le traité de Mlle de Gournay sur l’Égalité des hommes et des femmes ; 3° le tract de Mlle de Gournay intitulé Grief des dames ; 4° le portrait que Mlle de Gournay a fait d’elle-même sous ce titre Peincture de mœurs.

Mlle de Gournay, depuis Tallemant des Réaux et Saint-Evremond jusqu’à Sainte-Beuve, a toujours excité la curiosité. Cette « fille d’alliance du grand Montaigne, » ce premier éditeur (après la mort de Montaigne) des œuvres du grand philosophe, cette adoratrice pendant soixante-cinq ans de l’auteur des Essais, a pris sa place, pour ainsi parler, dans la galerie des veuves illustres, dont elle a toutes les qualités touchantes et quelques-uns des ridicules. Saint-Evremond a bien saisi cela quand il montre Mlle de Gournay perdant une dent (non point celle qu’elle avait contre Malherbe, car elle ne pouvait perdre celle-ci) et disant :


Montaigne en perdit une à cinquante-sept ans
— J’aime à lui ressembler, même à perdre les dents.


Mlle de Gournay se considérait comme la gardienne de la mémoire de Montaigne et de sa gloire. Elle avait eu pour lui le coup de foudre lorsque, âgée d’environ dix-huit ans (à ce que l’on peut supposer, car elle dit tout d’elle, sauf la date de sa naissance), elle lut les Essais dans l’édition de 1580. Elle était à