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a pu dénoncer the absurd title of Master of Flemalle ; nous ne sommes pas certains, en effet, que les fragmens de Francfort proviennent de l’abbaye mosane.

Sous l’épithète provisoire de maître de Flemalle, — on ne voit point quand ce provisoire cessera, — se cachent deux ou trois maîtres dominés par une personnalité insigne dont les mérites et le style se retrouvent plus ou moins fidèlement chez les autres unités du groupe. Exception faite pour une ou deux de ses œuvres, — la Vierge et la Véronique de Francfort, — le chef de l’atelier se recommande moins par son lyrisme que par sa facture ferme, positive, sa plasticité toute sculpturale. (On a souvent dit que les peintres tournaisiens avaient une esthétique de statuaires, et l’on croyait établir ainsi leur soumission aux imagiers de leur milieu ; mais nous avons vu que les peintres au contraire inspiraient les maîtres de taille.) Les mérites du maître de Flemalle ne sont pas seulement dans une impeccable technique, mais aussi dans une charmante intelligence du décor et des accessoires. Primitif par la composition et l’ordonnance, le grand artiste est plus moderne que Roger van der Weyden par l’atmosphère de réalité et le pittoresque de ses intérieurs. Conteur délicieux, amoureux de vieilles méthodes, il s’abandonne parfois à des bavardages exquis comme le feront les peintres du début du XVIe siècle, et sa célèbre Annonciation de la collection de Mérode, autour de laquelle on a réuni tout ce que l’on croit avoir conservé de sa production ou de son école, nous livre à cet égard tous les secrets de son tempérament. On sait l’esprit incomparable déployé dans le décor où se déroule cette Annonciation dont les volets représentent d’un côté les donateurs (époux Ingelbrechts de Bruges ou de Malines) et de l’autre saint Joseph taillant finement les bois de ses souricières. Il existe une réplique de la partie centrale à Cassel ; une autre réplique de l’Annonciation vient d’entrer récemment au musée de Bruxelles. Elle nous permet de remarquer combien fragiles sont souvent les bases de la critique la plus scientifique. Un archéologue célèbre, M. J. Weale, a cru pouvoir caractériser les manières des trois peintres différens étiquetés sous le seul nom de maître de Flémalle : le plus ancien, pour M. Weale, affectionne les vêtemens rayés et les inscriptions hébraïques ou arabes ; le second multiplie les meubles et les bois sculptés ; le troisième manifeste