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son amour pour les plis et les entrelacs. Or ces trois caractères s’avèrent simultanément dans l’Annonciation du musée de Bruxelles, laquelle, malgré ses repeints, peut être considérée comme sortie du plus important de ces différens ateliers anonymes.

On voit, d’après cet exemple, qu’il est difficile d’établir avec quelque rigueur le catalogue des créations du maître de Fiémalle. Une révision sévère devra séparer les peintures ayant un caractère vraiment magistral de celles qui sont plutôt des œuvres d’élèves ou de contemporains. Puis entre les œuvres de premier ordre des distinctions s’imposeront au point de vue de la valeur expressive et même des caractères techniques. D’une part, il faut grouper, pensons-nous, l’Annonciation de Mérode, la Vierge dite de Somzée, aujourd’hui à la National Gallery, et les deux magnifiques panneaux du Prado : Sainte Barbe et Heinrich von Werl, orateur des Minorités et professeur à l’Université de Cologne. Ces œuvres sont d’une facture puissamment plastique, d’un modelé sculptural, d’un coloris parfois âpre (la Vierge de Somzée est presque monochrome à la façon de certaines peintures rhénanes) et en outre d’un esprit ravissant. Par l’ingéniosité du décor, le charme des accessoires en hucherie, broderie, dinanderie, etc., elles sont toutes dignes du « maître à la Souricière. » — Un second cycle d’œuvres comprend, à notre avis, l’Adoration des Bergers de Dijon, la Vierge glorieuse d’Aix en Provence et quelques madones, toutes peintures d’une technique plus souple, plus moelleuse, d’un art moins intransigeant. Dominant les deux séries, resteraient les peintures de l’Institut Staedel avec l’énigme de leur majesté mystique et de leur surhumaine grandeur. Ces peintures, — la Vierge, sainte Véronique, une Trinité, en grisaille, — faisaient partie d’un ensemble connu sous le nom de Retable de la Vierge. Dans tout l’œuvre du maître de Flémalle, rien n’égale la figure de la Madone « au point de vue de la piété, au point de vue de l’âme. » Ce n’est plus ici la jeune femme un peu placide du retable de Mérode, ni la jeune bourgeoise opulente et tranquille du tableau de Somzée, ni la madone très humaine que le maître de Flémalle peignait en représentant, — comme il le fit souvent, — les scènes pittoresques de la jeunesse de Marie. C’est une grave, sublime et surnaturelle figure ; Huysmans, la comparant à la Vierge de Somzée, a dit justement : « A parler franc, il y a