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hâtives de Zoïles importans et glorieux. Et ce sont des conversations habilement interrompues au passage des grands chefs qui n’en perçoivent que la phrase empoisonnée lancée à propos ; des sous-entendus gros de restrictions, susurrés dans l’abandon des bavardages de popotes ; des comparaisons où l’apparente impartialité du camarade est le plomb qui fait le mieux couler un rival. Sous l’insensible pression d’une opinion publique dont les malins se font les échos, les candidats gênans aux décorations comme à l’avancement sentent le terrain fuir sous leurs pas, devinent une suspicion sourdement hostile, des sièges tout faits ; ils s’effarent, tentent en vain d’établir leurs titres et leurs droits, et leurs juges ne voient dans leurs efforts qu’envie et vanité.

Dans un livre que le public militaire apprécie encore comme un modèle d’observation fine et mordante, l’auteur de Au Tableau avait disséqué l’état d’âme en temps de paix des victimes de « l’ambitionite » dont les cartons du ministère gardent imparfaitement les secrets. Mais cette peinture si fidèle ne serait qu’une aquarelle maniérée auprès de la fresque impressionniste dont les arrivistes des « expéditions lointaines » formeraient les personnages. Et l’ambitieux servile, l’ambitieux enjoué, l’ambitieux menaçant attendent encore leur Buffon.

Cependant, la confection du « travail d’avancement » n’absorbait pas toute l’activité du général en chef et de son état- major. La mission libératrice du Corps expéditionnaire n’était pas terminée. Malgré la disgrâce d’El Glaoui, la grande tribu des Mtirs tenait la campagne, menaçait nos bivouacs, coupait les communications de la capitale avec les districts voisins ; à Meknès, Moulay-Zin, frère du Sultan et prétendant malgré lui, servait de drapeau à tous les patriotes et tous les mécontens. Il fallait donc courir sus aux Béni Mtirs pour les contraindre à demander l’aman, et supprimer le Maghzen insurrectionnel qui centralisait toutes les intrigues et toutes les haines coalisées contre Moulay-Hafid. Afin de conserver nos troupes en haleine et de maintenir intact leur entraînement pour les prochaines opérations qu’il méditait, le général en chef expédia la colonne Dalbiez, renforcée par les élémens disponibles des colonnes Brulard et Gouraud, vers le massif du Zerhoun, pour châtier les villages qui avaient assailli le convoi de ravitaillement ; une forte reconnaissance était en outre dirigée vers