Page:Revue des Deux Mondes - 1911 - tome 5.djvu/373

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

agréable fraîcheur, dont les puces et autres parasites qui pullulent au Maroc, même dans les logis impériaux, empêchent de goûter en paix le charme reposant. Le service des subsistances » l’ambulance et l’hôpital de campagne, le Trésor et les Postes, le Génie, l’Artillerie, la Justice militaire encombrent les cours, les passages voûtés, les chambres obscures, l’ancienne mosquée recouverte par l’indifférence arabe d’une épaisse couche de crasse séculaire. Un poste de tirailleurs algériens garde l’entrée d’honneur que ferme, pendant la nuit, une porte épaisse aux ferrures archaïques. Sous les orangers des jardins intérieurs, près des petits canaux où chante une eau sale, des troupes variées dressent leurs tentes, que ‘bousculent sans cesse des chameaux errans, des chevaux échappés, des mulets malicieux. Les officiers de l’Intendance, importans et affairés, font mettre en tas réguliers, d’après une classification savante, les denrées apportées par le convoi Gouraud, les mille inutilités désuètes qui accompagnent les troupes en marche. L’artillerie établit son parc, empile ses caisses à munitions, qui sont encore en nombre respectable, malgré la consommation des derniers combats. Les médecins installent leurs formations sanitaires, où ne manquent guère que les médicamens, dans les appartemens privés du Sultan. Les plantons, les officiers d’ordonnance et d’état-major circulent mystérieux, portant sous le bras de grosses liasses lorgnées avec angoisse par les ambitieux qui, d’un air détaché, viennent aux nouvelles et soignent leur avancement.

Une crise aiguë d’ « avancite » est en effet provoquée par le télégramme qui apporte au corps expéditionnaire, avec les félicitations du gouvernement, les promesses de récompenses. La préparation des « mémoires de propositions » déchaîne des convoitises, fait éclore des intrigues qui seraient puériles et comiques si elles ne s’exerçaient souvent au détriment du mérite modeste et naïf. Tel qui a vu de loin quelques cavaliers ennemis, qui a cru percevoir des sifflemens de balles, profite de toutes les occasions pour exalter « son affaire » et critiquer les manœuvres d’un concurrent. Selon les circonstances, les pertes subies prouvent l’ignorance tactique ou l’intelligence militaire ; l’absence de « casse » est un signe indéniable d’adresse ou de timidité. Les incidens de combat sont déformés d’après des légendes que sèment des narrateurs mal informés, ou d’après les impressions