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lieux répétées, d’individu à individu, de famille à famille, de localité à localité.

Partout règne la terreur : nulle sécurité, partant nul commerce. Les champs sont dévastés et le paysan quitte le labour. De la civilisation romaine, qui avait fleuri sur tous les points de la Gaule, il ne reste que des ruines. Tout est détruit.

Sur quelle région les ravages des Hongrois, des Normands, des Sarrasins, des Saxons, ne se sont-ils pas étendus ? Et comme il n’est plus d’autorité centrale, chacun prend le droit de faire la guerre à son tour. « En l’absence de toute autorité, écrit Hariulf, les plus forts se répandaient en violences, ne cessant de ravager les contrées qui leur étaient voisines. »

Les chemins créés par les Romains deviennent des halliers ou des fondrières ; les ponts sur les rivières se délabrent et s’écroulent. On va se blottir dans le fond des forêts, parmi les landes inaccessibles ; on se réfugie sur le haut des montagnes, pour se mettre à l’abri ; on ne construit plus que des huttes en bois : il n’y a plus d’architecture.

Les liens, qui servaient à unir les habitans du pays, sont rompus ; les règles coutumières ou législatives, qui fixaient les rapports entre les hommes, sont brisées ; non seulement l’ensemble de la société, mais encore les groupes particuliers, si petits qu’on les suppose, ne sont plus gouvernés par rien.


I. — LE POUVOIR ROYAL EST ISSU DE L’AUTORITÉ PATERNELLE

C’est dans ces conditions que s’est fait le travail de reconstruction sociale ; il s’est fait autour de la seule force organisée qui était demeurée intacte, autour du seul abri que rien ne peut renverser, car il a ses fondemens dans les sentimens les plus profonds du cœur humain : la famille. La famille prend la place de l’État.

Petit Etat qui vit entre ses frontières, attentivement gardées contre les ennemis du dehors. Il est placé sous l’autorité de son chef naturel, le père de famille.

Le père commande au groupe qui se presse autour de lui et porte son nom, il organise la défense commune, répartit le travail selon les capacités et les conditions de chacun : il « règne, » le mot est dans les textes, en maître absolu.

La famille se développe. Réunis autour de leur chef, les