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membres de la famille ne tardent pas à former un groupe social plus étendu, la « mesnie. »

La mesnie est la famille agrandie ; elle comprend les cousins et les alliés ; elle comprend les serviteurs qui lui sont directement attachés ; elle comprendra bientôt, sous le régime patronal, ceux qui s’uniront à elle par les liens d’une parenté fictive. A la tête de la mesnie nous apparaît le seigneur revêtu d’un caractère patronal, paternel, comme l’autorité qu’il exerce. Un vieux dicton disait : « Tel seigneur, telle mesnie, » comme nous disons : « Tel père, tel fils. » « Selon seigneur mesgniée duite, » écrit encore au XIVe siècle Christine de Pisan.

La mesnie enveloppe les hommes d’armes les plus fidèles. Ils sont nourris, élevés, instruits au métier des armes par le seigneur, avec les neveux, les descendans, les autres parens. Un même esprit les anime. De leur seigneur tous les membres d’une mesnie poussent le cri de guerre, tous lèvent son enseigne, tous fixent, au bout de leurs lances, son gonfanon, tous portent son nom. Tous ensemble ils forment la « mesnie un tel. »

Cette mesnie, si étroitement familiale dans ses origines, comprendra au long aller un groupe étendu. Guillaume au court nez, ou, pour mieux dire « au nez courbe, » ne compte pas dans sa mesnie moins de quarante bacheliers, fils de comtes et récemment adoubés. Savari l’Allemand se met en route avec cent compagnons, tous de sa mesnie. Gaydon passe en revue sa mesnie : cent hommes d’armes qui le suivront contre l’ennemi. Les historiens dénombrent la mesnie Guillaume Gros de Martel. En 1172 il s’était rendu à Beaucaire, auprès de Raymond, comte de Toulouse ; trois cents chevaliers formaient sa suite ; il les nourrissait : de la rue on apercevait les queux qui leur apprêtaient des victuailles, dans la cuisine, à la lumière de nombreux flambeaux.


Bien sont d’une mesnie jusqu’à mil compagnons


lisons-nous dans la chanson des Saisnes.

Groupés autour de leur seigneur, tous ceux qui composent la mesnie doivent s’aimer mutuellement comme membres d’une même famille. Ils doivent avoir pour leur chef l’affection qu’on a pour le chef de famille et lui-même doit les protéger.

Le comte Guéri le Sor est fait prisonnier. Sa première pensée va aux siens :