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Ni ordre, ni règlement, ni hiérarchie : seigneurs et tenanciers, riches et pauvres, une innombrable cohue se presse autour du prince. Dans le palais


Tant i a chevalier et gent
Que l’en n’i puet son pie [pied] torner.


Les uns ont fait le voyage pour venir quémander des bénéfices, les autres au contraire, pour offrir des présens au souverain, pour lui marquer leur amitié. Nombre de seigneurs sont arrivés avec leurs femmes, à quoi quelques-uns d’entre eux étaient même obligés.

La ville, que le Roi a désignée pour y tenir sa Cour, s’est mise en fête, surtout la partie où il a pris résidence, le « château, » le « maître-bourg. » La chaussée en est jonchée de menthe, de jonc et de glaïeul ; les maisons sont tendues de cendal et de baudequins [étoffes historiées]. Sous les gouttières et aux pignons des demeures qu’ils occupent, barons, chevaliers et écuyers ont fixé leurs enseignes et leurs bannières, leurs armoiries et leurs écus,


Por leurs compaignons adrecier,


c’est-à-dire pour faire connaître leur logis à ceux qui le chercheraient. Enseignes, bannières et écus y font briller leurs vives couleurs.

Les poètes du XIIe siècle ont laissé mainte description des cours plénières tenues à Paris, « en la terre le Roi : »


Che fu à Pentecouste, le haut jor enforcié,
C’a Paris tint sa Cour Karles o le vis fier [au fier visage].


On y est venu de tous les points du royaume :


Grans fu la cors des barons chevaliers…
Et si ot bien. x. m. [dix mille] arbalestriers,
Et i ot moult de bacelers legiers…


Les fils d’Aymeri de Narbonne, les Narbonnais, comme les appelle Bertrand de Bar, approchent de la ville. Oyez cette description de Paris au XIIe siècle :


Ce jor ont tant chevalché et erré
Que Paris voient la mirable cité,
Et maint église et maint clochier levé,
Les abaïes de grand nobilité,