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Et voient Seine, dont parfond sont li gué,
Et les molins, dont il i ot planté,
Voient les nés [nefs] qui amoinent le blé,
Le vin, le sel…


Les maisons sont tout « encourtinées, » le sol jonché d’herbes odoriférantes : aux fenêtres pendent mille tapis, des draps de cendal et de soie, des « pailes » pourpres ou brodés ; sur les épaules des passans on ne voit que manteaux « vairs » ou blanches hermines.

Combien grande est la peine du sénéchal à qui incombe le soin de loger tout ce monde. Chacun s’adresse à lui. La plus chétive demeure sert d’abri à des chevaliers.


Si est remplie de Paris la cité
Do grant barnage que li rois a mandé,
N’i a grant sale, ne grant paies listé [à cordons de pierre],
Meson ne volte, ne solier [étage] à degré,
Ne soient tuit ampli et ancombré,
De duc, de comte, o de prince chasé [qui tient fief],
O d’arcevesque, o d’evesque, o d’abé,
O de provoire [prêtre], o de clercs ordené.


Plus d’un noble vassal a dû s’installer dans une boutique, et dans la pièce même qui donne sur la chaussée :


Des rues ont toz les auvanz porpri.


Encore foule de braves gens restent-ils sur le pavé. Hernant de Narbonne pénètre à cheval dans un magnifique hôtel dont l’aspect l’a séduit ; il espère y trouver abri. La cour est toute grouillante de garçons et d’écuyers vaquant à leurs besognes :


Voit les haubers et froier [frotter] et coler [polie],
Et les espées forbir et ranheuder,
Et les chevax torchier et abruver,
En la quisine la vitaille porter,


Un grand tapis a été jeté emmi la place :


Environ siéent .xl. [quarante] bachelier,
Esches et tables [tric-trac] orent fet aporter,
Ensemble jouent…


Si grande est parfois l’affluence que la contrée où se tient la Cour en est « mangée, » comme un champ où se seraient