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NOTRE RONSARD

I
SA PREMIÈRE JEUNESSE ET SON ÉVOLUTION

Depuis la réhabilitation de Ronsard entreprise en 1828 par Sainte-Beuve et applaudie par les Romantiques, — qui du reste n’y applaudissaient que pour protester contre Boileau, et qui comprenaient encore si mal le chef de la Pléiade, qu’ils se croyaient tenus de l’admirer dans la mesure où ils détestaient la discipline classique, — ce grand poète n’a cessé de remonter vers « le trône radieux, » d’où l’avait précipité l’injustice peut-être la plus révoltante qu’ait jamais enregistrée l’histoire littéraire. L’Université avec Eugène Gandar, qui en 1854 donnait sa brève et remarquable thèse sur Ronsard considéré comme imitateur d’Homère et de Pindare ; le Parnasse, avec Théodore de Banville (1864), qui réclamait pour lui le droit de porter la pourpre, sur le mont divin, à côté de Virgile et d’Horace ; les éditions complètes de Blanchemain (1857-1867) et de Marty-Laveaux (1887-1893) ; l’étude d’Emile Faguet (1894), qui le proclamait « un des trois ou quatre grands noms de la Littérature européenne ; » les études si fortes et si éloquentes où Brunetière, comme toujours élargissant le sujet, nous montrait dans Ronsard, non seulement le poète orateur et patriote, mais encore le père de notre poésie classique ; et tant d’autres publications, et sa statue élevée à Vendôme, ont achevé de le replacer à son vrai rang, c’est-à-dire au premier rang.

Depuis trois siècles, il n’a jamais été aussi vivant qu’aujourd’hui.