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La ville de Tours se prépare à lui ériger une nouvelle statue. Le mouvement de renaissance nationale et classique, qui s’accentue de jour en jour, ramène à chaque instant son nom. Sa gloire reparue à l’aube du Romantisme, maintenant qu’il meurt, en sort plus pure et comme lavée par ses orages. Enfin les érudits se le disputent, et leurs travaux se multiplient. L’an dernier, M. Vaganay publiait à la librairie Champion une belle et savante édition des Amours, de Pierre de Ronsard avec le commentaire de Marc-Antoine de Muret, d’après le texte de 1578. Le même éditeur fera prochainement paraître un Essai sur Pierre de Ronsard de M. Henri Longnon, dont il a bien voulu nous communiquer les épreuves, et qui unit à la précision la plus rigoureuse une ingéniosité charmante. La famille de Ronsard, les Enfances de Ronsard, ses années de Collège, ses amis, ses amours, tous ces sujets y sont traités sous une forme alerte et avec une fraîcheur de sentiment à laquelle les érudits ne nous ont point habitués. Ce petit livre a la substance et la grâce. Mais surtout M. Paul Laumonier nous a livré dans ses deux ouvrages, — dans son Édition critique de la Vie de P. de Ronsard, de Claude Binet, et dans son Ronsard poète lyrique, — le résultat d’un labeur de dix ans. Les deux ouvrages comprennent un millier de pages. C’est la plus vaste contribution qu’on ait encore apportée à l’étude de notre poète.

Oserai-je dire qu’elle est trop vaste ? Ce n’est point que la lecture m’en ait paru fatigante : je conviens qu’il est difficile de mieux organiser et de présenter avec plus d’agrément une aussi lourde somme de documens et de commentaires. Ce n’est pas non plus que je méconnaisse l’importance des longues enquêtes minutieuses et méthodiques, quand il s’agit d’établir un texte, de préciser une date, de définir le sens d’une allusion, de marquer la trace certaine d’une influence. Il n’y a point de détail insignifiant pour celui qui écrit l’histoire littéraire, mais non pour celui qui la lit ! Car il faut qu’on puisse la lire. Je me demande si l’auteur est tenu de faire passer son lecteur par tous les sentiers qu’il a suivis, et si, dans l’interminable exposé de ses travaux d’approche, le désir de nous convaincre ne le cède pas un peu à la complaisance qu’il éprouve pour sa propre érudition. Là où un ou deux exemples suffiraient, l’abondance de sa documentation le sollicite à nous les prodiguer. Il a beau avoir fait ses preuves : il ne veut jamais croire qu’on le croira sur