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féminine. Dans le sentiment qui prévaut alors au sujet du travail féminin, on n’aperçoit qu’une chose : la tradition de l’autorité virile qui, de la famille naturelle, doit passer dans la famille professionnelle. C’est pour cela que, même dans les corporations féminines, apparaît, soit par la composition de la jurande, soit par le nom même qui les désigne, la préoccupation de mettre en évidence l’élément masculin, de masquer une réalité qui donne à l’autre le premier rôle. Le souci jaloux de cette autorité se manifeste ingénument dans un débat au sujet de la jurande des fruitiers-beurriers, fruitières-beurrières de Paris. Le lieutenant civil avait décidé, le 10 septembre 1588, que les uns et les autres y seraient représentés pour moitié. Ce partage ne correspondait déjà pas à l’importance des deux sexes dans la corporation où l’élément féminin était prépondérant. Et cependant, sur les représentations du parquet que « véritablement c’est chose nouvelle de dire que les femmes soient jurées au métier et faudrait qu’il y eût une nécessité de ce faire fort évidente car elles veulent ordinairement ce que les hommes ne veulent, » le parlement réforme le jugement du Châtelet et statue, le 2 juin 1S89, que la visite des beurres et fromages sera faite exclusivement par les maîtres jurés.

C’est surtout dans les métiers du vêtement, des tissus et de l’alimentation que les femmes trouvaient à gagner leur vie. De ces métiers il n’y en eut pas de plus strictement féminin que la lingerie en ce sens que la prééminence, dont les corporations cherchaient à assurer l’apparence au sexe fort, même alors que, numériquement et professionnellement, elle appartenait à l’autre, y était, au contraire, pour la forme comme pour le fond, acquise à qui de droit. Il en fut longtemps autrement. Contrairement à l’usage traditionnel, les lingers, qui n’avaient dans la corporation qu’une situation secondaire, se mirent en possession d’introduire dans la jurande deux gardes-jurés. En 1621, par exemple, on y trouve deux hommes à côté de deux femmes. En 1640, les deux gardes-jurées du sexe féminin contestèrent la validité des scrutins qui avaient élevé à la jurande des maris de maîtresses toilières-lingères et appelèrent des jugemens du Châtelet qui avaient maintenu en fonctions les gardes-jurés masculins. Par un arrêt du 5 mai 1640, le parlement réforma cette jurisprudence, rétablit l’ancien état de choses et attribua aux deux gardes-jurées appelantes le droit exclusif de