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commandés chacun par un commandant en chef désigné suivant les prévisions.

Chacun de ces commandans en chef aurait, ou du moins devrait avoir, le pouvoir de conduire en toute indépendance les opérations militaires dans la région qui lui est attribuée et avec les moyens d’action qui lui sont confiés. Le titre de généralissime ne pourrait s’appliquer qu’à l’officier général ayant la direction de toutes les armées, par suite le droit de modifier leur composition et leur répartition, de donner à chacun des directives particulières. Il n’y a pas à proprement parler de généralissime en France ; c’est le gouvernement, c’est-à-dire son représentant militaire, le ministre de la Guerre qui, d’après le décret portant règlement sur le service des armées en campagne, arrête l’ordre de bataille, c’est-à-dire la formation des troupes en armées et groupes d’armées. Cette disposition déjà ancienne, mais peu connue du public, explique l’émotion qu’a pu causer à certains esprits la perspective de voir les opérations militaires d’ensemble dans la main du gouvernement, dont aucun membre peut-être ne sera militaire.

De là à vouloir, comme certains le prétendraient, ôter au gouvernement toute action sur la préparation et la conduite de la guerre, il y a loin ; on arriverait ainsi à une absurdité ; je m’excuse d’avoir à le montrer.

Il est certain d’abord que l’organisation de l’armée dépend non seulement de nécessités militaires, mais aussi de considérations sociales et financières dont l’Etat ne peut se désintéresser : l’élément militaire ne saurait avoir la prétention de constituer l’armée uniquement d’après ses vues personnelles.

Ensuite, avant d’utiliser cette armée organisée, il faudra la mobiliser, puis la concentrer. La mobilisation consiste à faire passer sur place tous les corps d’armée du pied de paix au pied de guerre ; la concentration consiste à diriger tous les corps d’armée sur des points désignés d’avance, en les répartissant suivant les nécessités résultant de la situation diplomatique spéciale que seul le gouvernement peut prévoir et connaître. Prenons un exemple pour éclairer le débat. Dans la perspective d’une guerre contre l’Allemagne, le gouvernement seul peut savoir sur quelles alliances, sur quelles ententes il a le droit de compter, connaître quels sont ses adversaires. Dans la situation que nous crée l’incident d’Agadir, suivant les dispositions de