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l’Espagne à notre égard, nous aurions à maintenir vers les Pyrénées une armée plus ou moins forte ou bien nous pourrions dégarnir notre frontière du Sud ; en dehors du gouvernement, qui pourrait prendre une décision à cet égard ? La neutralité de la Belgique, celle de la Suisse, sont-elles absolument assurées ? Ces pays ont-ils pris des dispositions suffisantes pour faire respecter leur neutralité par nos ennemis ? L’armée anglaise viendra-t-elle nous prêter son concours, où et à quel moment ? A quelle époque l’armée russe sera-t-elle prête ? L’Italie marchera-t-elle immédiatement contre nous ? A chaque situation créée par notre diplomatie répondra une répartition de forces adéquates.

On ne saurait donc prétendre que le gouvernement puisse laisser à un officier général seul le soin d’établir le plan de concentration. En revanche, du plan de concentration, c’est-à-dire de la manière dont les troupes sont groupées en armées, dépend fatalement aujourd’hui la conduite des premières opérations, car, aussitôt la concentration des troupes opérée, ce qui sera l’affaire de quelques jours seulement, les hostilités commenceront avec la plus grande vigueur. Il n’en était pas de même autrefois : les préliminaires d’une campagne se prolongeaient fort longtemps en raison de la lenteur de marche des armées ; le commandant en chef, arrivé sur son théâtre d’opérations particulier, avait toujours le temps de modifier les dispositions de ses troupes ; il était certes plus maître qu’aujourd’hui de la conduite initiale de la guerre. Cette considération nous amène à cette conclusion que, maintenant plus que jadis, il est essentiel que le gouvernement, maître en quelque sorte du mode de concentration des troupes, soit parfaitement éclairé par les chefs qui doivent prendre le commandement des armées. Cette entente est une nécessité, pour ainsi dire moderne. On parle toujours, par exemple, de la supériorité de l’offensive. Comment le général commandant en chef du groupe principal de nos forces pourrait-il prendre l’offensive, si la concentration de l’armée française est plus lente que celle de l’adversaire ? Comment le pourrait-il encore, si, contrairement au principe stratégique de l’économie des forces, on a donné trop d’importance aux armées destinées à la garde de nos côtes et de nos frontières secondaires, affaiblissant de la sorte la force du groupe du Nord-Est ?